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La tête du jeune homme tangua lentement vers la sienne et alors qu’il s’apprêtait à l’embrasser sans lui demander son consentement, Lori arriva avec deux verres à la main et s’interposa dans la conversation silencieuse des deux tourtereaux.
(suite)
— Viens, il faut que je te parle un instant…
Elle tira son amie par la manche jusqu’aux toilettes sans lui demander son avis.
— Mais qu’est-ce qu’il y a de si urgent?
― Je te connais et je sais que tu vas m’en vouloir, mais je préfère que tu m’en veuilles un peu plutôt que jusqu’à la fin de tes jours…
Cédrika fut surprise de voir son amie devenir aussi sérieuse alors que la fête battait son plein.
— Écoute… Je ne t’ai pas tout dit au sujet du beau Mathieu… Je crois qu’il est assez volage et il n’est pas tout à fait libre…
― À ce que je sache, il ne m’a pas demandé en mariage Lili…
― En fait, j’ai su ce soir qu’il a une copine et qu’elle attend un bébé…
Cédrika resta sans mots. Ses yeux ne purent toutefois dissimuler sa grande déception.
— Ça fait des semaines que tu me parles de Mathieu depuis que je t’ai dit que je l’avais trouvé séduisant et c’est aujourd’hui que tu me racontes tout ça… Tu me fais même venir ici un peu à cause de lui et là, bang!
― Je ne savais pas tout moi non plus… Et c’est tellement rare qu’un gars t’intéresse plus de 48 heures de suite que j’ai cru que vous alliez tout au plus jouer au jeu de la séduction, mais que tout allait s’arrêter là… Je suis vraiment désolé…
Cédrika sentit une profonde amertume s’incruster dans son esprit. Ce n’était pas tant ce que Lori ne lui avait pas dit, mais bien plus l’attitude de Mathieu qui la froissa. Elle l’avait jugé différent des autres. La jeune femme quitta aussitôt l’endroit sans adresser la parole à personne, déçue encore une fois par cette part d’hypocrisie humaine.
*
Le jeu d’échec n’avait pas bougé de la table du salon depuis son départ. Il n’avait fait qu’accumuler la poussière et c’est sur cet objet que reposaient les yeux du vieil homme. Il contemplait chacune des pièces sur l’échiquier tout en tentant de découvrir à quoi aurait ressemblé le prochain coup de sa femme si un point d’exclamation ne s’était pas figé au bout de sa vie ce jour-là. Ils jouaient ensemble par procuration depuis des années, quelques coups tous les soirs et parfois, le vieil homme se réveillait la nuit pour l’écouter parler dans son sommeil avec l’espoir fou d’apprendre quelle serait sa prochaine stratégie. Elle parlait beaucoup les yeux fermés, mais malheureusement, jamais de ses secrets. Pendant toutes ces années, il ne réussit donc qu’à annuler une seule partie contre elle et malgré son grand plaisir à maugréer, une part de lui adorait lui offrir cette suprématie qui soutenait la démesure de leur complicité.
Le vieil homme regarda son roi, bien posé en E1 puis la reine de sa femme et il sut que ce n’était qu’une question de temps pour le voir plier l’échine, il prit alors la pièce dans ses mains et décida qu’il était maintenant temps de couronner la sépulture de sa reine avec le seul roi qu’elle n’avait jamais fait tomber.
*
(À suivre)
* Vous avez certainement des gens dans votre entourage qui savourent le silence d'une virgule ou le tumulte d'un point à la fin d'une phrase.
Si les mots sont les mystérieux passants de l'âme, ils ont toutefois besoin d'un regard pour exister...
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