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C’est très tard dans la nuit que Monsieur Coton sombra dans un sommeil sans rêves avec à son chevet, « l’angoisse du roi Salomon » dont il venait de terminer la lecture.
***
(suite)
Vendredi…
Monsieur Coton vient de se réveiller avec les idées embrouillées. Il marche vers son travail et passe sans s’arrêter tour à tour devant la blanchisserie et le kiosque à journaux. Le livre de Romain Gary ne cesse de l’obnubiler et c’est la première fois de sa vie qu’il perçoit son existence comme étant une simple pièce d’un immense casse-tête et qu’il ne se voit pas seulement face à lui-même, mais plutôt comme faisant parti d’une société avec laquelle il n’a jamais osé s’investir.
A-t-il déjà aidé quelqu’un, à l’exception des chats et des morts, dans le simple but de se faire plaisir et non pas par sens d’obligation ou par calcul?
Le livre prêté par Eva-Nescencia vient d’ouvrir la valve de l’immense barrage qu’il s’était construit tout au long de sa vie et déjà, il sent les prémisses d’un changement qui s’effectue en lui. C’est comme s’il réalisait soudai-nement qu’il faisait lui aussi partie intégrante d’un tout et qu’il était peut-être en mesure de changer un peu des choses…
Rendu à la banque, Monsieur Coton tenta de mettre un peu de sérieux dans son ouvrage jusqu’à l’heure du lunch, mais rien ne parvint à lui faire oublier les mots de Ajar.
— Ohhh… La nuit fut courte Jean?
Monsieur Coton avait le teint blanchâtre et les yeux un peu plus creux qu’à l’habitude, ce qui amplifiait la maigreur de son visage. Eva vit qu’il tenait dans sa main le livre qu’elle lui avait prêté la veille.
— Et puis… vous aimez mon bouquin? dit-elle en le conduisant à sa place, mais la jeune femme s’éclipsa aussitôt sans attendre sa réponse.
Monsieur Coton n’aurait pas su comment expliquer ce qu’avait provoqué le livre d’Émile Ajar en lui. Il avait pourtant beaucoup lu dans sa vie, presque trop, mais il ne voyait toujours que ce qu’il voulait bien voir dans les bouquins qu’il lisait. Cette fois-ci par contre, il sentait que c’est l’histoire elle-même qui venait de s’imposer à lui. « L’angoisse du roi Salomon » représentait une sorte de tournant inévitable, une porte qu’on venait de lui ouvrir et cette Eva-Nescencia ne pouvait être que l’ange gardien qui devait le guider telle une main offerte dans le labyrinthe de ses peurs.
La jeune femme déposa un plat de pâtes devant lui et s’arrêta pour entendre ses commentaires sur le livre.
— Je l’ai déjà terminé et il m’a bouleversé… Je ne peux rien ajouter d’autre pour le moment sauf vous remercier… Merci Eva… Eva-Nescencia…
Si vous me le permettez, j’aimerais bien le conserver pour quelques jours, histoire de le relire encore…
Elle le regarda un peu surprise, mais fut très heureuse de constater la réaction de son client. Le sourire qu’elle lui fit à cet instant lui servit de réponse.
(À suivre)
* Vous avez certainement des gens dans votre entourage qui savourent le silence d'une virgule ou le tumulte d'un point à la fin d'une phrase.
Si les mots sont les mystérieux passants de l'âme, ils ont toutefois besoin d'un regard pour exister...
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