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vendredi 10 septembre 2010

Evanescence (page 122 à 123)


Eva se leva doucement pour aller servir un client qui lui faisait signe. Monsieur Coton resta là, sans bouger, figé par le souffle glacial de l’ombre d’une mère qu’il n’avait encore jamais connu…


(suite)


*


Eva regardait toujours la lettre qu’elle venait de trouver devant sa porte. Moins de dix jours après la correspondance de Rome, elle venait de recevoir du courrier de Montréal. Elle fut encore une fois abasourdie de faire un autre voyage mémorable à travers les mots de son correspondant. Cette fois-ci, elle découvrit cette ville nord-américaine d’une manière tout à fait spéciale alors qu’un simple narrateur lui raconta un chapitre de vie de ce Papillon comme si elle lisait un roman qui lui était personnellement destiné. Ce monarque qui franchissait des distances incroyables continuait à la charmer avec subtilité, sans toutefois ajouter d’indices derrière ses mots, mais se laissant découvrir toujours un peu plus.

La photo qu’il avait jointe était celle d’une jeune fille qui malgré un sourire où il manquait une dent, exhibait sa fierté d’être photographiée sur patins. Eva la regarda avec bonheur, touchée par cette façon particulière qu’ont les enfants de nous émouvoir.

L’image qu’elle se faisait de son mystérieux admirateur était celle d’un homme distingué qui possédait une certaine maturité pour écrire de la sorte, mais aussi une profonde vivacité d’esprit. Elle estimait son âge vers le début de la trentaine. Cet homme avait certainement de l’argent pour s’offrir de tels voyages et ne devait pas souvent travailler ou peut-être occupait-il un métier qui lui demandait de voyager un peu partout dans le monde. Malheureusement, personne dans son entourage ne correspondait à ce portrait. Eva décida donc de changer de piste pour orienter maintenant ses recherches vers les différents hommes avec qui elle avait échangé via Internet quelques mois auparavant.


(À suivre)

Vous avez certainement des gens dans votre entourage qui savourent le silence d'une virgule ou le tumulte d'un point à la fin d'une phrase. Si les mots sont les mystérieux passants de l'âme, ils ont toutefois besoin d'un regard pour exister... Si vous aimez cette histoire, vous n'avez qu'à cliquer sur ( Email to a friend) situé tout juste en bas de ce texte pour le partager et n'ésitez pas à laisser un commentaire sur le blog. J'adore vous lire!

La part des ombres (130 à 133)


─ Vous auriez dû voir la belle surprise qu’il m’a faite… Je me suis levé ce matin pour aller faire mon jogging avant mes cours et en sortant, il y avait un plan d’orchidée à ma porte et un petit mot… Je n’avais encore jamais reçu une plante en cadeau, mais comment a-t-il pu deviner que c’était de loin ma fleur préférée?


(suite)



─ Tu sais, je crois qu’il y a des gens qui croisent nos vies et qui ont cette faculté de nous faire basculer dans les Abymes de la lumière… Nous devenons alors plus transparents… Je t’ai souvent parlé de ma première rencontre avec Gaïa, mais je ne sais pas si je t’ai déjà dit que cette fameuse journée où elle est entrée dans ma librairie, nous avons échangé sur la littérature devant un expresso, puis elle a fini par me dire qu’elle devait quitter, mais qu’elle allait bientôt revenir pour poursuivre cette discussion… Elle a cependant ajouté qu’elle était convaincue que je devais commencer à lire « À la recherche du temps perdu » que je n’avais encore jamais eu le courage d’entamer à sa grande surprise… Ce livre allait se révéler être le plus grand tournant de ma vie si j’exclus la présence de Gaïa, et je me questionne encore souvent sur la source de cette recom-mandation… Comment avait-elle pu deviner après seulement quelques minutes de conversation que ce livre allait me marquer ainsi et me donner le goût d’écrire?

Proust disait justement : « Pour tous les éléments qui dans la vie et ses situations contrastées se rapportent à l'amour, le mieux est de ne pas essayer de com-prendre, puisque, dans ce qu'ils ont d'inexorable comme d'inespéré, ils semblent régis par des lois plutôt magiques que rationnelles. »

Cédrika resta sans mots. Elle aimait tellement entendre Octavio parler. Cet homme était la principale raison qui rendait son travail attrayant. Sans lui, le kiosque aux fleurs aurait perdu une bonne partie de ses couleurs.

─ Si vous saviez comme j’aimerais posséder une infime part de votre sagesse… On dirait que vous arrivez toujours à percevoir une touche de lumière dans tout ce qui m’apparaît comme étant sombre ou incom-préhensible… L’homme aux fleurs la regarda avec sollicitude. Elle poursuivit aussitôt.

— Mais pour revenir à ma fleur, je suis follement heureuse que Gabriel ait deviné pour les orchidées même si je n’y comprends rien… Il m’a aussi invité à passer le week-end avec lui dans les montagnes… Ses parents y ont une très jolie petite maison de campagnes m’a-t-il dit… Ça va me faire du bien je crois de quitter un peu la ville… J’ai sérieusement besoin de faire le vide…

─ Ce qui est drôle avec toi, c’est que tu vas sûrement trouver le moyen de remplir tout ce que tu vas réussir à vider, dit-il en riant.

─ J’aimerais vous prouver le contraire, mais bon, il semble que mes parents aient eu certaines défaillances lors de ma conception…

Le vieil homme acquiesça d’un signe de tête et la jeune femme feignit l’indignation.

─ Si c’est ainsi, je ne vous retiens pas Monsieur…

Il déposa alors son genou devant elle et prit le premier bouquet qui lui tomba sous la main tout en s’em-pressant de lui tendre pour se faire pardonner. Cédrika se mit à rire de bon cœur, puis continua la discussion.

─ Vous savez, c’est la première fois que je vais passer plus qu’une soirée avec Gab… Ça me rend un peu nerveuse, mais depuis que je le connais, il n’y a jamais eu de moments d’inconforts entre nous alors tout devrait bien se passer… C’est plutôt quand il n’est pas là que ma tête se met à déraper…

─ Laisse-toi du temps et profite du moment présent… Je suis convaincu de toute manière qu’il a aussi peur que toi…

─ Peut-être… En fait, je ne sais même pas ce qu’il peut me trouver… Je suis tellement compliquée… En plus, je me sens parfois comme une petite fille qui n’a rien vu quand je suis devant lui…

─ Il ne m’a pas paru si vieux pourtant…

─ Vous l’avez vu? Dit-elle avec surprise.

─ Les contemplateurs ont des yeux partout très cher, lui répondit Octavio en souriant.

Cédrika resta intriguée.

─ Gabriel est certainement plus vieux que moi, mais je ne sais pas son âge véritable… Il préfère dire qu’il a l’âge de ses délires et que de toute manière, celui-ci change à chaque seconde, mais quand je l’écoute parler, je sens surtout une grande différence de vécu…

─ J’en avais une très grande aussi avec Gaïa et nous avions pourtant le même âge… Elle avait cependant une expérience de vie bien différente de la mienne et pendant longtemps, je me suis senti intimidé par le regard qu’elle semblait en mesure de porter sur tout ce qui l’entourait…

─ Ce n’est pas toujours facile à gérer ce genre de situation, et en plus, vous connaissez ma tendance naturelle à dénigrer tout ce que je peux faire… Le poète soupira à haute voix.

─ Une championne du monde toutes catégories, dit-il.

─ Mais bon… C’est ainsi… Moi je n’ai eu qu’un seul véritable amoureux alors que Gabriel a eu plusieurs copines… Il m’a souvent parlé d’une femme qui a marqué profondément sa vie alors je me dis qu’avec le recul, il a certainement appris beaucoup sur lui-même après avoir vécu cette vertigineuse chute amoureuse…

─ Crois-moi, on apprend beaucoup plus qu’on le voudrait…

Cédrika sentit une certaine douleur percer la voix d’Octavio. Celui-ci choisit alors deux bouquets de marguerites blanches.

─ Bon… Je te laisse travailler un peu ma jolie reine…

L’homme aux fleurs installa sa chaise pliante un peu en retrait du kiosque, alluma sa pipe, et alors qu’il sortait une première branche du bouquet, elle vit aussitôt revenir la lumière dans ses yeux.

*


(À suivre)

Vous avez certainement des gens dans votre entourage qui savourent le silence d'une virgule ou le tumulte d'un point à la fin d'une phrase. Si les mots sont les mystérieux passants de l'âme, ils ont toutefois besoin d'un regard pour exister... Si vous aimez cette histoire, vous n'avez qu'à cliquer sur ( Email to a friend) situé tout juste en bas de ce texte pour le partager et n'ésitez pas à laisser un commentaire sur le blog. J'adore vous lire!

jeudi 9 septembre 2010

Evanescence (page 119 à 122)


C’est avec une certaine nostalgie qu’il dût toutefois quitter cette ville. Chopin l’attendait bien loin d’ici et il ne devait jamais prolonger trop longtemps ses séjours à l’extérieur afin qu’Eva ne puisse se mettre à le soupçonner…

(suite)

*


Lundi…

― Mon petit Jean est de retour… Vous avez passé une belle période des fêtes?

Eva arborait toute la grâce de sa beauté comme un sapin de Noël le fait avec ses décorations.

Vous semblez en pleine forme et c’est fou comme votre moustache vous vieillissait… Je ne vous recon-nais plus, dit-elle en riant.

Monsieur Coton était toujours vêtu du même complet gris; son chapeau melon enlevé n’altérait pas ses cheveux bien gommés et son sourire ne pouvait cacher tout le bonheur qu’il éprouvait d’avoir retrouvé Eva-Nescencia, mais il n’avait effectivement plus de moustache.

Je reviens de petites vacances en Bretagne où je suis allé visiter ma vieille tante…

― Vous avez beaucoup de famille là-bas?

― Ma famille, je la porte sur moi, dit-il avec circonspection.

Eva le regarda, surprise. Il fouilla alors dans son portefeuille et sortit deux bouts de papier froissés par le temps…

Il me reste une photo de mon père qui est décédé depuis longtemps et une de ma tante qui m’a toujours traité comme l’incarnation de son frère ainé… Ils n’étaient que deux enfants dans la famille…

― J’imagine que ce n’est pas facile de perdre son seul frère… Elle doit beaucoup vous aimer…

Monsieur Coton lui répondit par un sourire poli.

Probablement trop pour qu’elle s’en aperçoiveEt vous Eva, vous avez le teint d’une jeune femme qui revient du sud… Vous avez visité vos parents?

― Eh oui! Disons que j’en ai profité pour clarifier une partie de mon passé et ça m’a fait beaucoup de bien de les revoir… Ils ont toujours été un modèle d’inspiration pour moi tant dans leur façon d’apprécier ce qu’ils provoquent autour d’eux, que dans le sentiment amoureux qui les unit d’une façon remarquable… Quand je les regarde ensemble, je comprends un peu mieux pourquoi je continue de croire au Prince charmant… dit-elle en riant d’elle-même. Malheureu-sement, mon père est déjà pris…

Eva possédait la juste confiance en ses émotions qui lui permettait de rire un peu de sa tendance allégorique sans toutefois altérer ses plus grands rêves. Un sixième sens inné lui permettait de diriger sa vie en écoutant son cœur même si elle avait déjà beaucoup souffert de ses choix. « Il vaut toujours mieux être déçu d’avoir osé, que de vivre dans le regret de ce qui aurait pu exister. » disait-elle.

Alors qu’Eva déposait une assiette de couscous aux merguez devant Monsieur Coton, celui-ci continua la conversation et la jeune femme prit même un instant pour s’asseoir devant lui. Le restaurant roulait plutôt au ralenti alors que les vacances des fêtes n’étaient toujours pas terminées.

― Je vous trouve tellement chanceuse d’avoir encore vos parents et surtout de voir cette lueur particulière dans vos yeux quand vous me parlez d’eux… Moi, je n’ai jamais eu de mère, ni personne pour la remplacer et mon père n’était amoureux de rien, ni de personne… Je dirais même qu’en bon catholique de l’époque, il éloignait toute source de bonheur en se créant une prison de travail où rien ne pouvait l’atteindre…

Je crois qu’il a idolâtré ma mère au point de rendre ce sujet tabou entre nous deux… Je n’ai donc pratiquement jamais rien su d’elle et j’ai arrêté bien vite de chercher à comprendre devant le mutisme de mon père qui restait intraitable sur le sujet… Quelques fois, je me dis qu’il n’est peut-être pas trop tard pour apprendre certaines choses de mon passé…

Eva, les deux coudes sur la table et le menton appuyé entre ses mains, était totalement absorbée par l’histoire de Monsieur Coton. Il fut même intimidé par l’attention que lui offrait la jeune femme.

N’ayez jamais honte de laisser parler vos yeux, lui dit-elle. C’est ce qui donne de l’élan à la parole… En vous écoutant, je sens que vous avez beaucoup souffert dans votre jeunesse, mais il n’est jamais trop tard pour vivre une nouvelle partie de son enfance… Je crois qu’il faut simplement rêver très fort et être toujours à l’écoute de ce qui bouille en nous…

Eva fit une pause comme on laisse glisser un soupir au travers une conversation intime.

― Vous savez, il se passe des choses très bizarres dans ma vie depuis quelque temps et sur lesquelles je n’ai aucun contrôle… J’ai cependant réalisé pendant mes vacances qu’il ne sert à rien de toujours chercher à comprendre tout ce qui nous arrive… Nous passons alors beaucoup trop de temps à analyser plutôt que de simplement profiter de cette occasion qui nous est offerte… Vous avez l’air moins triste depuis quelques temps et ça, vos yeux ne peuvent le cacher… Mais si j’étais vous, je crois que je prendrais le risque d’en connaître d’avantage sur ma mère… On peut finir par oublier un premier amour, mais on ne peut jamais faire abstraction du plus grand de tous entre une mère et son enfant…

Eva se leva doucement pour aller servir un client qui lui faisait signe. Monsieur Coton resta là, sans bouger, figé par le souffle glacial de l’ombre d’une mère qu’il n’avait encore jamais connu…

*


(À suivre)

Vous avez certainement des gens dans votre entourage qui savourent le silence d'une virgule ou le tumulte d'un point à la fin d'une phrase. Si les mots sont les mystérieux passants de l'âme, ils ont toutefois besoin d'un regard pour exister... Si vous aimez cette histoire, vous n'avez qu'à cliquer sur ( Email to a friend) situé tout juste en bas de ce texte pour le partager et n'ésitez pas à laisser un commentaire sur le blog. J'adore vous lire!

La part des ombres (127 à 129)


Je suis resté un long moment assis sur le banc, incapable de cesser de sourire. Les pigeons sont alors revenus plus nombreux de même que les écureuils qui n’ont bientôt laissé qu’un vague souvenir de cette si douce folie.


(suite)


*


Le vieil homme avait encore une fois perdu sa partie d’échec, mais il se sentait toutefois un peu plus léger qu’à son arrivée au square.

Il retournait lentement vers chez lui lorsqu’il décida d’emprunter une ruelle plutôt que d’utiliser les rues comme il le faisait depuis le départ de sa femme. Il avait pourtant toujours préféré l’ambiance de ces chemins mal éclairés où on pouvait sentir le véritable pou de la ville, mais depuis la mort de sa douce, plus rien n’était comme avant.

Il appréciait toutefois de plus en plus la présence d’Octavio avec qui il jouait aux échecs. Il aimait surtout écouter ses histoires, comme si celui-ci le guidait à travers les traces de ses propres souvenirs tout en lui laissant la chance de les comparer aux siens. Le vieil homme aurait probablement aimé lui aussi être en mesure de laisser transparaître ses couleurs du passé avec cette même légèreté, mais ses couleurs à lui ne pouvaient être exprimées en ce moment qu’à travers l’infime frémissement que lui apportait sa mémoire. C’était sa manière de protéger ses souvenirs qui le hantaient plus souvent qu’autrement, mais dont la présence lui donnait tout au moins l’impression d’exister sporadiquement.

Le vieil homme observait les mouvements de son ombre lorsqu’un chat tigré avec une tache blanche sur le poitrail attira son attention. Celui-ci était couché en plein milieu de la ruelle et tourna légèrement la tête vers lui lorsqu’il passa à ses côtés. On aurait dit un roi devant ses sujets, mais le vieil homme crut plutôt reconnaître le matou de sa mère. La ressemblance était stupéfiante. On aurait dit Chopin, le chat qu’elle avait eu pendant plus de quinze ans et qu’il avait dû faire euthanasier lorsqu’elle n’avait plus été en mesure de se souvenir de son propre nom. Il avait alors décidé de prendre les choses en mains en apportant le chat chez le vétérinaire, puis sa mère dans un centre où on assistait les patients atteints d’Alzheimer. À cette époque, la vieille dame ne reconnaissait pratiquement plus son fils unique, mais elle eut tout de même la lucidité de le traiter d’assassin lorsque celui-ci la laissa aux mains d’une infirmière sans son fameux Chopin.


*


Cédrika venait tout juste de terminer de confectionner ses bouquets lorsque Octavio se présenta au kiosque.

─ Désolé de vous déranger mademoiselle, mais vous n’auriez pas une de ces orchidées comme celle que vous portez si joliment à l’oreille?

─ C’est que ces fleurs monsieur sont beaucoup trop précieuses pour être offertes ainsi sans modération… Celle-ci m’a justement été offerte par un prince et je n’ai pu m’empêcher ce midi de m’en couronner en son souvenir, lui dit la jeune femme avec une allégresse qu’elle ne pouvait contenir.

─ Mais je croyais que les reines n’avaient pas besoin de tels attributs pour souligner leur beauté…

─ Hélas oui Monsieur… C’est le mauve de la fleur que le courtisan voit et qui donne l’impression que celle qui la porte n’est pas déjà en train de se faner…

─ Croyez-moi, lui dit-il, cette fleur n’est qu’une étoile de plus dans le firmament qui vous entoure…

Cédrika fut encore une fois charmée par la métaphore de son poète préféré.

─ Cessez tout de suite vos extravagances Monsieur… Vous allez encore une fois intimider la pauvre jeune femme que je suis…

─ N’empêche que cette fleur est très jolie, dit-il en retrouvant sa personnalité habituelle. J’imagine que ça vient de Gabriel?

Cédrika n’eut même pas besoin de répondre.

─ Vous auriez dû voir la belle surprise qu’il m’a faite… Je me suis levé ce matin pour aller faire mon jogging avant mes cours et en sortant, il y avait un plan d’orchidée à ma porte et un petit mot… Je n’avais encore jamais reçu une plante en cadeau, mais comment a-t-il pu deviner que c’était de loin ma fleur préférée?


(À suivre)

Vous avez certainement des gens dans votre entourage qui savourent le silence d'une virgule ou le tumulte d'un point à la fin d'une phrase. Si les mots sont les mystérieux passants de l'âme, ils ont toutefois besoin d'un regard pour exister... Si vous aimez cette histoire, vous n'avez qu'à cliquer sur ( Email to a friend) situé tout juste en bas de ce texte pour le partager et n'ésitez pas à laisser un commentaire sur le blog. J'adore vous lire!

mercredi 8 septembre 2010

La part des ombres (119 à 122)


Le vieil homme ressentit un certain réconfort dans les propos du poète. Il ne se connaissait pas depuis long-temps, mais il sentait que cet homme était peut-être en mesure de calmer un peu ses tempêtes comme la photographie l’avait fait durant tant d’années.

(suite)


*


Cédrika se coucha à même le plancher pour se blottir contre sa petite Canaille qui se prélassait dans un carré de soleil. Le chaton releva paresseusement la tête vers sa maîtresse et se mit aussitôt à ronronner contre son corps. La jeune femme avait justement besoin de la simplicité de ce ronronnement, besoin de s’évader d’elle-même un instant et de toutes ses remises en question qui l’assaillaient depuis un certain temps. Elle n’appréciait pas particulièrement l’hiver, mais elle aurait aimé à ce moment être projetée dans le silence opaque d’une tempête de neige en montagne. Sentir cette lourdeur extérieure qui n’aurait pu qu’alléger le poids de sa conscience. Il se passait beaucoup trop de nouveaux événements dans sa vie actuelle pour qu’elle puisse y voir claire, surtout depuis la maladie de sa mère.

Gabriel, le théâtre et le chant, étaient pourtant des éléments lumineux qui lui donnaient le goût d’avancer, mais en contrepartie, la voix de l’adolescente continuait de résonner en elle. Une voix qui vibrait dans l’ombre de son père… Une voix qu’elle avait souvent voulu oublier, mais qui dans les faits, cherchait toujours la reconnaissance de celui-ci.

Comment aurait-elle pu alors s’affirmer autrement que dans une quête de perfection dans tout ce qu’elle entreprenait pour ne pas le décevoir. Et comment pouvait-elle maintenant rêver à un métier qui avait brisé celui qu’elle avait tant admiré?

Comme bien des artistes, son père ne l’avait pas toujours eu facile et sa carrière de comédien s’était lentement mis à décliner. Il sombra alors dans une sorte de dépression qui le rendit de plus en plus amer envers un métier qui lui avait pourtant permis d’exister. La blessure fut d’autant plus profonde qu’il dut se trouver un emploi régulier pour faire vivre sa famille décemment. Ses rêves s’envolèrent ainsi en fumée et il se mit peu à peu à mépriser le théâtre comme toutes les autres disciplines artistiques qu’il jugeait maintenant fastidieuses. Ce fut une période difficile pour toute la famille et critique pour l’émancipation de Cédrika qui voyait son plus grand rêve obscurci par l’amertume d’un père qu’elle n’avait jamais voulu décevoir. Sa sœur décida alors de se rebeller violement contre l’autorité parentale, mais Cédrika n’eut pas ce courage. Elle se rebella à sa manière, mais sans jamais oser se confronter à lui, ni à elle-même.

Canaille s’étira langoureusement et ses pattes effleu-rèrent le visage de la jeune femme qui sortit aussitôt de son demi-sommeil. Elle aurait aimé à ce moment se trouver en compagnie de Gabriel, sentir sa joie de vivre contagieuse, voir son sourire lumineux et éprouver la douceur de son regard quand il la regardait comme une oeuvre d’art. Elle réalisa en fait pour la première fois qu’elle s’ennuyait de lui beaucoup plus qu’elle aurait pu s’imaginer. Elle eut alors l’idée de lui faire une surprise.

Quelques instants plus tard, Cédrika quitta son appartement avec l’emportement d’une petite fille en apportant avec elle un pot de beurre d’arachide et une immense spatule de bois. Elle se dirigea aussitôt vers le parc où ils avaient l’habitude de se rencontrer.


*


« Je vous souffle mille et un baisés… »

Je me sens complètement emporté en ce moment par ces quelques lettres qui ont été dessinées directement sur le gazon. Je suis venu cet après-midi au parc comme à tous les jours pour y trouver l’inspiration et c’est rendu près du banc où j’adore venir écrire que j’ai pu voir ce curieux attroupement de pigeons et d’écureuils qui semblaient profiter d’un festin particulier. Je me suis approché un peu, mais ma présence à ce brunch n’a paru surprendre aucun des invités. Tout au plus, ils ont tourné la tête vers moi comme on le fait poliment dans un de ces banquets mondains, mais j’ai tout de suite senti leur désintérêt total à mon égard. Ils étaient uniquement là pour profiter du buffet. Je n’ai pas compris tout de suite de quoi il s’agissait, mais à même le gazon, j’ai vu des marques qui semblaient former des lettres. Des lettres qui à force d’insister auprès des convives, formaient un message dont j’étais curieusement convaincu qu’il m’était destiné.

Connaissant la pureté reconnue de leur oreille musicale, je me suis alors mis à chanter le plus fort que je pouvais pour essayer de les disperser un peu. Les pigeons se sont instantanément envolés d’un trait pour se poser quelques mètres plus loin. Les écureuils pour leur part me connaissent trop bien et ont été plus réticents à partir, mais voyant mes efforts démesurés pour les distraire et ne pouvant supporter plus longtemps ma voix à laquelle j’avais ajouté une curieuse chorégraphie, ils se sont tous dirigés vers les arbres les plus proches. Les lettres étaient bien là, tracées minutieusement avec du beurre d’arachide et à cet instant précis, la terre aurait pu s’arrêter de tourner que je ne l’aurais même pas remarqué.

« Je vous souffle mille et un baisés… »

Je suis resté un long moment assis sur le banc, incapable de cesser de sourire. Les pigeons sont alors revenus plus nombreux de même que les écureuils qui n’ont bientôt laissé qu’un vague souvenir de cette si douce folie.


(À suivre)

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mardi 7 septembre 2010

Evanescence (page 116 à 118)


Sans réponse à ses multiples questions, Eva déposa précieusement la lettre et la photo sur une pile de livre qui lui servait de table de chevet, et s’endormit en s’envolant tout près de celui qui comme une plume dans son oreiller, serait un témoin privilégié de ses rêves.

(suite)


*


Monsieur Coton respire un peu mieux maintenant alors que l’avion semble s’être stabilisé après de violentes turbulences. Il est à des centaines de mètres au-dessus de l’océan entre Montréal et Paris et malgré toutes ses peurs, il continu de sourire nerveusement à tous les passagers qui lui accrochent le bras au passage de cette allée trop étroite.

Monsieur Coton n’a jamais appris à sourire et encore moins à rire. Son manque de naturel est flagrant. Il ne semble toujours pas en mesure d’établir la juste mesure entre ses émotions et les réactions qu’elles provoquent, comme un gâteau auquel on aurait oublié d’ajouter de la poudre à pâte. Il est donc encore mal à l’aise de ses propres réactions, mais depuis quelques semaines, et surtout depuis qu’il a trouvé le courage de raser complètement sa moustache, le tout semble lentement changer. Monsieur Coton analyse beaucoup moins rationnellement ses émotions, ce qui diminue d’autant plus le nombre de ses barrières et provoque une réaction de plus en plus spontanée face aux événements.

Rendu à Montréal, il a d’ailleurs été ému aux larmes lorsqu’il a tenté pour la première fois de faire du patin à glace sur le bassin du Mont-Royal et qu’un enfant s’est approché de lui sans aucune crainte pour simplement l’aider à avancer. Monsieur Coton n’a pu saisir cette main qui lui était tendu et s’est retrouvé étendu de tout son long sur la glace, chaviré par une émotion qu’il n’avait encore jamais ressentit.

Vous vous êtes fait mal Monsieur? Lui a demandé la jeune fille qui ne devait pas avoir plus de 10 ans.

― Non… J’ai simplement glissé…

Alors pourquoi vous pleurez?

Pour si peu… mais pour tellement…

La jeune fille retrouva cette gaieté et cette nonchalance naturelle à l’enfance, comme si elle avait soudainement compris la portée de son geste envers cet homme qui riait maintenant, les yeux figés dans la glace de ses larmes.

Monsieur Coton fut particulièrement charmé par le Québec en raison de la barrière linguistique qui n’existait pas. Il lui fut donc beaucoup plus facile pour lui de se laisser imprégner par l’atmosphère de la ville où il passa quelques jours.

Montréal, malgré son aspect cosmopolite, ne regorgeait pas de touristes à cette période de l’année comme Paris le vivait en tout temps. Il visita donc les incontournables musées de la ville, le vieux Montréal qui lui fit penser à certaines rue de Saint Germain des prés, le centre-ville et ses tours de verres qui étaient tous relié les unes aux autres par un curieux réseau de tunnels souterrains comme une immense fourmilière où s’entassait des milliers de travailleurs. Mais ce qu’il préféra le plus fut le plateau Mont-Royal. Un quartier artistique où on trouvait une multitude de restaurants, de parc, de galeries d’art, de bouquinistes et dont l’architecture colorée répondait admirablement au décor de neige qui englobait la ville.

Monsieur Coton n’aime pas fréquenter les cafés parisiens et pourtant, il a passé de longues heures assis à une table d’un café de la rue Saint-Denis tout en se délectant d’un bouquin de Stéphane Bourguignon, un auteur québécois qu’il ne connaissait pas que lui avait recommandé un sympathique bouquiniste avec qui il avait échangé un long moment.

Il aimait beaucoup l’atmosphère feutrée de ce café d’où il pouvait simplement contempler le spectacle de la neige tombant sur la ville, et c’est à cet endroit qu’il immortalisa ces souvenirs dans une lettre qu’Eva-Nescencia allait bientôt recevoir.

C’est avec une certaine nostalgie qu’il dût toutefois quitter cette ville. Chopin l’attendait bien loin d’ici et il ne devait jamais prolonger trop longtemps ses séjours à l’extérieur afin qu’Eva ne puisse se mettre à le soupçonner…

*

(À suivre)

Vous avez certainement des gens dans votre entourage qui savourent le silence d'une virgule ou le tumulte d'un point à la fin d'une phrase. Si les mots sont les mystérieux passants de l'âme, ils ont toutefois besoin d'un regard pour exister... Si vous aimez cette histoire, vous n'avez qu'à cliquer sur ( Email to a friend) situé tout juste en bas de ce texte pour le partager et n'ésitez pas à laisser un commentaire sur le blog. J'adore vous lire!

*

La part des ombres (119 à 123)


C’est comme si je sentais qu’inconsciemment, elle avait besoin d’être apprivoisé et moi, de sauver ma peau.

Je suis d’un ridicule pathétique.


(suite)


*


— Comme je suis heureux de vous voir… Je pensais justement à vous hier en me disant qu’une petite partie d’échec aurait été sympathique, mais vous n’êtes pas venu et de toute manière, il faisait peut-être un peu trop froid pour jouer…

Octavio serra cordialement la main du vieil homme qui dépassait un peu de son trop long imperméable.

─ Hier, j’ai dormi…

─ Vous faites bien… Moi, je ne dors plus beaucoup depuis des années…

─ Moi non plus, mais je crois que je n’ai jamais dormi autant de ma vie… Mon vieux corps n’est plus en mesure de rester étendu aussi longtemps… Je serai un très mauvais mort et c’est probablement pour ça qu’elle n’est toujours pas venue me chercher…

─ Entre vous et moi, la mort se moque bien de quoi que se soit… J’ai longtemps cru que nous avions au moins un certain contrôle sur cette partie de notre existence, mais il semble que ce ne soit pas toujours vrai, lui dit Octavio d’un ton qui ne pouvait cacher une pointe d’amertume. Une petite partie, ça vous dit?

─ Bah… Pourquoi pas, je n’ai rien de mieux à faire que de traîner ma vieille carcasse aujourd’hui et rester assis me fera probablement du bien… Je n’ai plus l’âge de supporter l’absinthe et surtout pas d’en boire plus d’un verre, ajouta-t-il comme s’il se parlait à lui-même.

─ Vous parlez de la vraie absinthe?

─ Tout ce qui a de plus vraie, directement de Prague…

Octavio voyagea en une seconde dans les méandres de cette ville qu’il avait visités en compagnie de Gaïa. Le pays évoluait à cette époque sous le régime commu-niste et il en gardait des souvenirs poignants. Il se rappelait encore parfaitement de ces nuits glaciales où il devait se lever de son lit pour insérer quelques kopeks dans une sorte de cheminée qui laissait alors échapper quelques morceaux de charbon. C’est toutefois la chaleur de leurs corps qui s’enlaçaient amoureusement dans un lit beaucoup trop petit pour eux qui était la principale source de chaleur de la pièce.

─ J’adore l’absinthe… Vous avez déjà joué aux échecs sous l’effet de cette boisson?

─ Non, lui dit le vieil homme un peu surpris.

─ Il faudra essayer un jour… C’est merveilleux de voir à quel point notre cerveau se met à concevoir le jeu d’une manière différente… Vous seriez surpris de constater à quel point nos capacités intuitives deviennent affûtées dans de tels moments…

─ Bah… Je préfère garder le peu de contrôle qui me reste…

─ Je comprends… Ce n’est pas toujours facile de se libérer de cette part de rationalité qui dicte générale-ment la majeure partie de nos choix…

Octavio alluma sa pipe et on sentit aussitôt un vent de plénitude s’abattre sur lui comme si le temps venait de ralentir d’un seul coup. Le vieil homme se mit alors à penser à sa femme et à cette même sensation de bien-être qu’il éprouvait en sa compagnie lorsqu’ils parta-geaient une bonne bouteille de vin ensemble. Il se remémorait parfaitement tous ces petits gestes qui pouvaient sembler anodins pour d’autres, mais qui étaient en faite la base de cette grande complicité silencieuse qui les unissait. Il aimait faire tourner le liquide ambré dans une grande coupe simplement pour faire durer le plaisir tout en observant discrètement sa femme assise devant lui. Il lui offrait alors son verre pour qu’elle puisse goûter au vin en premier. Il déposait ensuite ses propres lèvres exactement sur la marque des siennes comme s’il venait d’échanger un silencieux baisé.

Le vieil homme revint à lui-même et vit que chacune des pièces était maintenant installée sur l’échiquier sauf sa reine. L’homme aux fleurs fit un geste très gracieux de la main pour l’inviter à commencer.

─ Dites-moi, vous parlez souvent d’une femme qui vous a profondément marqué… Si ce n’est pas indiscret, elle est toujours avec vous ou vous êtes seul?

─ Je ne crois pas qu’on puisse dire le mot « seul » quand quelque chose reste aussi présent en nous…

Le vieil homme acquiesça.

─ Il y a plusieurs années maintenant que Gaïa est décédée… C’est toutefois elle qui a donné la principale forme à mes emportements… Avant de la rencontrer, je me sentais perdu sans même savoir que je l’étais, puis elle a croisé mon chemin… Vous savez, nous avons souvent très peu conscience de celui que nous sommes, ni de celui que nous pourrions être tant que les années passées n’illuminent pas le chemin qu’on a parcouru… C’est peut-être ça aussi la beauté d’être humain… Le fait de ne jamais savoir si nous faisons le bon choix, mais le fait d’avoir justement toujours la possibilité de choisir un côté ou l’autre de l’histoire est extraor-dinaire… Je crois que nous passons malheureusement une trop grande partie de notre vie à chercher la reconnaissance des autres, mais il arrive parfois qu’une sorte de voix intérieure se mette à scintiller… Celle-ci nous fait alors terriblement peur car nous n’avons plus aucun contrôle sur nos émotions, mais du même coup, on sent que c’est la seule issue qui s’ouvre à nous… C’est souvent bien plus tard qu’on constate que cette voix était en fait la vibration ténue de ce que les gens appellent communément l’âme et que nous réalisons toute la chance de l’avoir entendu…

─ Mais cette faible vibration qui donne l’impression d’exister aussi intensément comme vous le dite, n’est-elle pas devenue une véritable cacophonique lorsqu’elle vous a quitté?

─ En effet… C’est un effet physique de la réso-nance… J’aime bien imaginer l’âme comme étant une bulle de cristal que l’on porte en nous dès notre naissance et que l’on protège exagérément en raison de sa grande vulnérabilité… La bulle est là, silencieuse en nous, puis un jour, quelqu’un réussit à percer notre carapace et devient comme une sorte de diapason qui fait résonner le cristal… La bulle se met alors à vibrer comme un verre de vin qui reçoit la caresse d’un doigt, mais celui-ci, tout comme notre âme va cependant se mettre à résonner beaucoup plus fort si un vide est créé par l’absence de ce qui l’avait remplie précédemment… Essayez avec un verre, vous verrez, c’est la même chose…

─ Je crois que mon âme a tellement résonné qu’elle a fini par exploser, lui dit le vieil homme. Il ne me reste plus que des miettes de cristal…

─ N’ayez crainte, le temps fait heureusement des miracles et toutes ces miettes finiront bientôt par se recoller pour former un très joli caléidoscope…

Le vieil homme ressentit un certain réconfort dans les propos du poète. Il ne se connaissait pas depuis long-temps, mais il sentait que cet homme était peut-être en mesure de calmer un peu ses tempêtes comme la photographie l’avait fait durant tant d’années.



*

(À suivre)

Vous avez certainement des gens dans votre entourage qui savourent le silence d'une virgule ou le tumulte d'un point à la fin d'une phrase. Si les mots sont les mystérieux passants de l'âme, ils ont toutefois besoin d'un regard pour exister... Si vous aimez cette histoire, vous n'avez qu'à cliquer sur ( Email to a friend) situé tout juste en bas de ce texte pour le partager et n'ésitez pas à laisser un commentaire sur le blog. J'adore vous lire!