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samedi 4 septembre 2010

La part des ombres (111 à 114)


Le gardien entra dans une petite maison qui avait plutôt l’air d’un cabanon de jardinier et laissa à son fidèle visiteur le soin d’aller retrouver sa bien-aimée.


(suite)

*


Il était un peu plus de minuit lorsque Cédrika cogna à la porte du café où sa meilleure amie travaillait. L’endroit venait de fermer, mais les lumières y étaient encore allumées.

— Mais qu'est-ce que tu fais debout encore à cette heure, lui dit-elle d’un air surpris.

― Salut Lili! Je me suis dit qu’au lieu de me faire réveiller en pleine nuit par un de tes appels, que j’allais plutôt venir ici pour te raconter ma soirée et pouvoir enfin dormir un peu…

Lori connaissait très bien sa meilleure amie. Elle ne fut donc pas dupe en l’entendant parler ainsi avec une fausse désinvolture. Elle sut immédiatement que quelque chose la tracassait.

― Entre… Ne reste pas là, il fait froid ce soir…

— Pour être franche avec toi, c’est surtout parce que tu me manquais que je suis venu, lui dit-elle alors qu’un vent d’émotion venait de balayer tout ce qu’elle avait pu dire précédemment.

Lori la prit dans ses bras et la serra très fort. Elles étaient amies depuis leur tendre enfance et malgré leurs grandes différences de personnalité, leurs chemins ne s’étaient jamais séparés. Lili était une jeune femme beaucoup plus téméraire que Cédrika, mais cette dernière compensait avec des élans de folies peu communes qui avaient toujours su impressionner son amie. Elles étaient donc très proches tout en étant bien différentes l’une de l’autre.

— Tu me manquais aussi ma belle… Et j’ai eu ton message cet après-midi… C’est génial les nouvelles pour ta mère… Tu sais que j’ai toujours cru qu’elle était beaucoup plus forte que tu le pensais… Avec tout ce que toi et ta sœur lui avez fait vivre, dit-elle en riant. Je crois qu’elle a simplement choisi de prendre un léger décalage qui nous donnait parfois l’impression qu’elle n’était pas tout à fait là, mais en même temps, c’était probablement tout le contraire… Si tu y penses bien, c’est elle qui trouvait souvent les solutions quand il y avait un problème chez vous et non pas ton père qui avait toujours une de ses pseudo théories d’intellectuels qui t’impressionnaient, mais pour moi, ce n’était que du tape à l’oeil…

― Je sais… Et je ne comprends toujours pas comment ma mère a fait pour continuer à le supporter… Surtout qu’il ne s’améliore pas avec l’âge… En plus, il ronfle aussi fort que le truc qu’on nous met dans la bouche chez le dentiste… Tu sais le machin qui aspire la salive…

― Ouach! T’es dégueulasse… Je ne verrai plus jamais ton père de la même manière…

― Bah… Ce n’est pas pire que quand il tond son gazon en costume de bain le samedi matin…

Lori éclata de rire.

Tu sais, le genre de maillot moulant trop petit pour soutenir son ventre…

― Arrête! Tu me donnes beaucoup trop d’infos…

Cédrika prit le balais des mains de son amie et se mit à imiter son père en se sortant le ventre et en marchand les jambes arquées. Lori n’en pouvait plus tellement elle riait. Elle demanda un temps mort pour reprendre son souffle.

Mais je dois lui donner une chose… Il est incroyablement attentionné avec ma mère et je ne crois pas qu’il puisse y avoir quelqu’un de mieux que lui pour la supporter dans le combat qu’elle entreprend…

― Tu as raison… Ça ne doit pas être facile pour elle, mais pour lui non plus… Ouf! On change de sujet ma belle… Je suis vraiment contente que tu sois venu… Je crois que j’avais besoin de rire un peu… Si tu savais comme c’est déprimant de travailler ici parfois… Ce n’est pas tous les jours qu’il y a des Gabriel qui entre ici… Cédrika ne put s’empêcher de sourire. En général, c’est beaucoup plus des vieux chnoques qui viennent faire semblant de boire un café pour me reluquer les seins…

― Au moins, ça prouve que tu en as… J’échangerais bien quelques regards contre des centimètres de plus…

― T’es complètement barjot Ced… Tu as un corps de rêve… Si tu savais comment je payerais pour avoir seulement la moitié de ce que tu as…

― Arrête tout de suite… Tu sais qu’on ne sera jamais d’accord sur ce sujet…

Cédrika se mit à balayer un peu pendant que Lori déposait les chaises sur leur table.

― Alors dis-moi, quoi de neuf justement avec ton beau Gabriel? J’espère que tu ne vas pas me dire ce que je pense…

― Et ça ressemble à quoi ce que tu penses?

― Que vous êtes allé manger du poisson mort ce soir…

― Des sushis, l’interrompit-elle.

― Que vous ne vous êtes toujours pas embrassé, que vous avez ri ensemble, parlé, que tu as chanté à tue-tête en sortant de là… Tu sais, toutes ces choses qui sont si futiles pour bien des gens…

Cédrika ne put s’empêcher d’éclater de rire. Il y avait beaucoup de vérités dans ce que Lili venait d’énu-mérer, mais il manquait surtout le mot complicité qui aurait pu à lui seul résumer toute cette soirée et qui était l’ingrédient reliant tout ce qu’elle avait énoncé aupa-ravant. Lori attendait une réponse, mais son amie continua plutôt à faire le ménage.


(À suivre)

Vous avez certainement des gens dans votre entourage qui savourent le silence d'une virgule ou le tumulte d'un point à la fin d'une phrase. Si les mots sont les mystérieux passants de l'âme, ils ont toutefois besoin d'un regard pour exister... Si vous aimez cette histoire, vous n'avez qu'à cliquer sur ( Email to a friend) situé tout juste en bas de ce texte pour le partager et n'ésitez pas à laisser un commentaire sur le blog. J'adore vous lire!

Evanescence (page 106 à 110)


C’est donc en compagnie des deux Chopin que Monsieur Coton décida d’aller acheter un billet d’avion en direction de Montréal...


(suite)


*


Eva est arrivée à Perpignan le 23 décembre au soir. Elle avait finalement réussi à convaincre son patron de lui donner une semaine de congé pour aller fêter Noël avec sa famille qu’elle n’avait pas vu depuis très longtemps.

Pendant tout le trajet, elle s’était plongée dans un bouquin avec une ardeur inhabituelle afin d’amenuiser les réactions qu’elle appréhendait face à tous ces souvenirs qui l’attendaient là-bas. Eva savait trop bien qu’elle ne pourrait pas toujours fuir et que tôt ou tard, elle allait devoir entrer dans le grenier de son enfance et là, se confronter à son passé avec toute ses peurs, mais aussi l’enivrement d’un adulte retrouvant son vieux coffre à jouets. Mais pour l’instant, elle s’efforçait de penser uniquement à ses parents qui lui manquaient énormément.

Elle réalisa qu’elle était de retour chez elle au moment où elle débarqua du train et qu’elle retrouva cette odeur si particulière au climat du sud de la France. Odeur qui s’était tapissé dans les moindres recoins de ses souvenirs.

Ses parents étaient là, main dans la main, comme s’ils venaient tout juste de se rencontrer. Les deux amoureux se mirent à scintiller encore plus lorsqu’ils la virent débarquer. Eva leur sourit et sans réfléchir, elle s’élança vers eux avec un enthousiasme qui la fit fondre en larme dans les bras de ses parents. C’était la première fois qu’elle remettait les pieds ici depuis…


*


― Tu t’es mis à la mode des bijoux maintenant?

La vieille femme regardait malicieusement le pendentif qu’il portait à son cou. Monsieur Coton était toujours penché au-dessus de la chaise berçante d’où sa tante n’avait pratiquement pas bougée depuis 40 ans. Il s’apprêtait, avec un certain dégoût, à l’embrasser.

Il fit ensuite un calcul rapide et en arriva à la conclusion qu’elle avait dû faire environ 164 250 000 allers-retours entre la seule fenêtre de son lugubre appartement et sa table de cuisine, elle, qui vivait une grande partie de sa vie dans l’éternel balancement de cette chaise. Il ne lui avait jamais connu d’autres objets précieux, mis à part sa vieille bicyclette d’avant-guerre qu’elle entretenait toujours avec soin et qui lui servait de moyen de locomotion lorsqu’elle se rendait au village de cette grisâtre Bretagne.

Monsieur Coton aurait bien aimé pouvoir laisser tomber cette tâche annuelle qu’il exécutait toutefois avec parcimonie, mais jamais il n’avait eu le courage d’aban-donner cette femme, même si elle semblait profon-dément le détester. Cette visite constituait une sorte de pèlerinage dans les méandres du seul lien familial qui lui restait.

Il savait maintenant qu’il allait entendre ses complaintes et ses railleries pendant tout le reste de cette soirée de Noël où ils allaient manger comme à chaque année les restants du repas de la veille et où il allait ensuite lui offrir sa traditionnelle boîte de chocolats.

― La boîte est plus petite qu’à l’habitude… Dit-elle en lorgnant avec indifférence le cadeau qu’il venait de lui déposer sur les genoux. Elle enchaîna tout de suite après avec des propos désobligeants à l’endroit de son défunt frère, le père de Monsieur Coton.

― Encore plus grippe-sous que ton père… Tu ne devrais même pas te donner la peine de les emballer! Tu le sais bien, je suis diabétique depuis ma naissance et ton père a toujours voulu me tuer avec ses foutus chocolats! Et toi tu perpétues ses manigances… C’est peut-être finalement une bonne chose de les emballer, ça me permet de les offrir en retour à mon affreuse propriétaire qui ne vit que pour essayer de maigrir, mais je sais qu’elle est incapable de résister aux sucreries… Tant pis pour elle!

Sa tante n’avait jamais accepté le rôle de fille modèle qu’avaient essayé de lui inculquer ses parents à l’époque. Béatrice avait toujours eu besoin de liberté et ne s’était jamais mariée par défi, disait-elle, mais surtout par laideur pensa-t-il. Elle avait toujours détesté son frère aîné qui avait suivi parfaitement les traces de son père avec une rigueur exemplaire en devenant notaire tout comme lui. Celui-ci venait tout de même la visiter à chaque Noël avec son fils pour soulager sa conscience. Jean Coton avait donc continué ces visites annuelles même après la mort de son père plutôt par habitude que par goût. Cette vieille femme allait toutefois peut-être lui donner enfin l’occasion de raconter l’aventure dans laquelle il était plongé depuis quelques mois.

― Vous avez fait mention un peu plus tôt de mon pendentif… Il appartient à une amie que j’apprécie beaucoup…

Qu’est ce que tu racontes…Comment une femme saine d’esprit pourrait-elle vouloir d’un homme comme toi ?

Monsieur Coton ne sembla pas offusqué par la réplique tant il s’était déjà envolé aux côtés d’Eva-Nescencia dans sa tête.

Si vous saviez comme elle est belle… C’est à elle que Monet devait penser en peignant ses Nénuphars… C’est pour elle que Chopin a écrit ses Nocturnes, Eluard ses poèmes, moi mes voyages…

― Et pourquoi n’est-elle pas avec toi pour fêter Noël si elle est si extraordinaire?

Monsieur Coton continua à rêvasser sans lui répondre alors que sa main s’était doucement figée sur le précieux pendentif.

Elle s’appelle Eva… Eva-Nescencia…

Avec un tel nom, elle ne doit pas être française…

― Nous voyageons beaucoup ensemble, mais si vous saviez…

Sa voix à cet instant prit la forme du chant d’un oiseau à l’aube.

Demain, nous partons pour Montréal… Je la retrouverai là-bas…

La chaise berçante s’était soudainement arrêtée et tante Béatrice fixa son neveu d’un air éberlué comme un soldat qui prend soudainement conscience qu’il a probablement perdu la guerre. Elle savait maintenant que ses propos n’auraient plus jamais la même emprise sur lui. Il y a des gens qui prennent une grande partie de leur vie avant de naître et c’est à un de ces élans tardifs qu’elle avait l’impression d’avoir assisté.


*

(À suivre)

Vous avez certainement des gens dans votre entourage qui savourent le silence d'une virgule ou le tumulte d'un point à la fin d'une phrase. Si les mots sont les mystérieux passants de l'âme, ils ont toutefois besoin d'un regard pour exister... Si vous aimez cette histoire, vous n'avez qu'à cliquer sur ( Email to a friend) situé tout juste en bas de ce texte pour le partager et n'ésitez pas à laisser un commentaire sur le blog. J'adore vous lire!