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samedi 7 août 2010

La part des ombres (89 à 92)


Nous passions donc beaucoup de temps à lire côte à côte, elle, avec ses synapses, moi, avec mes ombres et tous ces mots que je rêvais incons-ciemment de lui écrire.»


(suite)

*


Le soleil plombait déjà très fort quand le vieil homme se présenta au cimetière. Il était pourtant tôt, mais on sentait que la journée allait encore être plus suffocante que celle de la veille. « Foutue température! », marmonna-t-il en passant devant le gardien qui resta surpris de se voir interpeller de la sorte. Le vieil homme ne répondit toutefois pas à son sourire de bienvenue comme à son habitude. Il marcha plutôt péniblement jusqu’à la sépulture de sa femme. On le vit alors déposer sa main sur son tombeau comme un père le fait pour prendre la température de son enfant fiévreux. Il parut satisfait de réaliser à quel point la pierre avait su conserver une part de fraîcheur au cours de la nuit.

— Tu n’as pas trop chaud là-dessous?

Je ne m’habituerai jamais à cette chaleur… De toute manière, je crois qu’il est déjà trop tard pour changer mes habitudes… Je sais ce que tu vas me dire… D’enlever mon imperméable, mais qu’est-ce que tu veux que je te dise, on ne change pas de peau aussi facilement quand c’est tout ce qui nous reste… Je me sens nu sans lui et tu vois, sans mon imperméable, je n’aurais pas pu t’apporter ça…

Le vieil homme sortit un paquet en papier d’aluminium de sa poche qu’il se mit à déballer.

— C’est certain qu’il n’est pas aussi beau que les tiens, mais bon… Ça te faisait tellement plaisir de me faire un gâteau d’anniversaire, que j’ai pensé…

Il tenta vainement de briser le gâteau en deux.

— Je crois qu’il est un peu dur… Tu veux bien me dire c’est quoi de la poudre à pâte?

Seuls les oiseaux répondirent à sa question. On sentit alors une profonde solitude s’abattre sur lui. Le vieil homme se laissa glisser le long du monument sans bouger et resta là un long moment, tenant son gâteau dans sa main comme un mendiant tient son chapeau dans la rue, espérant peut-être qu’un miracle y soit déposé…


*


Cédrika marchait seul en direction de son école de théâtre. Le temps était magnifique, mais on la sentait préoccupée, comme si une ombre se répercutait inlas-sablement dans toute sa démarche, la rendant ainsi encore plus fragile qu’à l’habitude.

Elle avait décidé la veille de profiter de la très belle soirée pour aller visiter ses parents à la campagne. Elle voulait aussi revoir son chien et retrouver son lit d’enfance où reposaient tant de souvenirs, mais tout ne s’était pas déroulé exactement comme elle l’espérait. Sa sœur, pour ne pas dire sa presque jumelle, n’y était pas, retenue à son travail, et comme à son habitude, son père avait pris le contrôle total de cette soirée. Elle l’avait préalablement accompagné au marché d’alimentation pour faire comme « sa petite princesse » l’avait toujours fait. Ils avaient acheté d’immenses darnes de saumon qu’il voulait faire cuir sur le barbecue, puis plusieurs tomates de saisons qu’elle avait dévoré en cachette pendant la nuit en leur ajoutant une épaisse couche de sel. Elle aurait bien voulu proposer à son père d’acheter des brioches à la cannelle pour sa mère, mais Cédrika n’osa pas, de peur de le voir sombrer dans un de ses éternels discours sur le côté malsain du sucre et du sel. Elle prit tout de même une tablette de chocolat au passage qu’elle glissa subtilement dans sa poche comme elle l’avait fait si souvent au cours de sa jeunesse et ce, sans jamais se faire prendre. Le vol n’existait à ses yeux que sous cette forme ténue d’un entêtement familial bien plus que par mesquinerie. Ils avaient ensuite mangé ensemble, parlés de tout, sauf de son audition, puis ce qui s’était relativement bien passé jusqu’ici se termina abruptement par une bien mauvaise nouvelle.

Sa pauvre mère qui en avait vu de toutes les couleurs avec le temps allait devoir apprendre à penser à elle maintenant puisqu’on venait de lui diagnostiquer une forme bénigne de cancer.

Cédrika aurait aimé déjà savoir que tout allait bien se passer, que sa mère sortirait indemne et plus forte de cette épreuve, mais à ce moment de l’histoire, elle n’en savait toujours rien. Elles avaient pleuré ensemble une bonne partie de la soirée et la jeune femme fut déchirée de n’être pas en mesure de trouver les mots justes pour la réconforter, déchirée d’être incapable de la prendre dans ses bras et de lui insuffler l’espoir dont elle avait probablement besoin. Seules ses larmes furent témoins de sa grande détresse comme de toute son impuissance.


*

(À suivre)

Vous avez certainement des gens dans votre entourage qui savourent le silence d'une virgule ou le tumulte d'un point à la fin d'une phrase. Si les mots sont les mystérieux passants de l'âme, ils ont toutefois besoin d'un regard pour exister... Si vous aimez cette histoire, vous n'avez qu'à cliquer sur ( Email to a friend) situé tout juste en bas de ce texte pour le partager et n'ésitez pas à laisser un commentaire sur le blog. J'adore vous lire!

Evanescence (page 86 à 88)


Fort de cette soudaine révélation, il quitta l’endroit en remerciant encore une fois Chopin d’un léger soulève-ment de son chapeau melon.

(suite)


*


Dimanche…

Paris s’est finalement vêtue de son costume automnal alors que la pluie continue de s’écouler sur la ville, faisant tomber lourdement les dernières feuilles d’automne.

Monsieur Coton marche lentement vers le cimetière du père Lachaise. Il sait déjà que le décor sera complètement différent de ce qu’il a vu la semaine précédente puisque l’austérité des monuments funé-raires ne sera plus adoucie par la luxuriante végétation colorée qui donnait une âme particulière à l’endroit.

Rendu sur place, il réalise bien vite qu’il n’est pas seul aujourd’hui malgré la pluie qui n’a pas cessé. Nous sommes la Toussaint et bien des gens ont décidés de profiter de cette journée pour venir commémorer les morts et fleurir une dernière fois les tombes de leur famille avant que s’installe définitivement la grisaille de l’hiver parisien.

Il semble impossible pour Monsieur Coton de se rendre jusqu’à la sépulture de Chopin tant les chemins sont encombrés de passants. Il retrouve toutefois son chat quelques minutes plus tard comme si celui-ci l’attendait déjà.

Cet après-midi-là, le chat eut droit à ses sardines habi-tuelles, mais il eut aussi le droit d’entendre le début du roman « La vie devant soi » de Romain Gary.

C’est sous un arbre adjacent la tombe du célèbre compositeur que Chopin, le chat, ronronna pour la toute première fois au contact de son mécène alors que celui-ci lisait à haute voix. Monsieur Coton fut troublé de constater que l’on pouvait apprécier une caresse de sa main...

Mise à part la chaleur qu’Eva-Nescencia lui avait récemment témoignée, il lui était impossible de se rappeler à quand remontait son dernier contact physique avec quelqu’un. Un contact autre que les occasionnelles poignées de main ou les deux bises que sa vieille tante lui infligeait avec froideur lors de sa visite annuelle. Probablement à l’université avec Claudine pensa-t-il. Ils avaient alors dansé ensemble et Monsieur Coton se souvenait encore parfaitement de la sensation d’étouffement qu’il avait ressenti lorsqu’elle l’avait enlacé avec ferveur. Il avait toujours conservé un profond dégout de ce souvenir, mais la présence de son chat blotti contre lui venait de le troubler. Il réalisa ainsi qu’il lui serait impossible de partir trop longtemps en voyage. Qui allait lire pour l’un des Chopin et nourrir l’autre s’il ne revenait pas tous les dimanches?

La panique d’abord provoquée par cette pensée fit rapidement place à la consolation : Eva-Nescencia n’allait pas trop s’ennuyer.

*


*

(À suivre)

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vendredi 6 août 2010

Evanescence (page 84 à 86)


Monsieur Coton jette un nouveau coup d’œil sur ses valises et sent une pointe d’angoisse se faufiler subtilement dans l’ordre bien établi de ses pensées. Il ferme alors les yeux afin de laisser son esprit vagabonder entre la peur de partir et l’ennui de rester.


(suite)


*


Samedi…

Eva fut heureuse ce midi-là de voir arriver son client préféré. Elle l’accueillit de son plus radieux sourire. Monsieur Coton s’étonna de trouver encore sur sa table le petit écriteau « réservé ».

Était-ce possible qu’Eva-Nescencia puisse continuer de l’attendre tous les midis?

Quelle belle surprise!

Monsieur Coton était toujours incapable de se voir miroiter dans les yeux d’Eva quand elle lui parlait. Il aimait pourtant savourer ce bref instant où l’apparition de la jeune femme se confondait avec les souvenirs qu’il gardait constamment d’elle. — Bâtir un souvenir indélébile en son esprit n’est-il pas le plus beau cadeau qu’un homme puisse s’offrir avant de quitter celle qu’il aime?

— Vous semblez en bien meilleure forme aujourd’hui Mademoiselle Eva?

— Ai-je le choix? dit-elle avec une pointe de renoncement dans la voix. Je crois qu’il y a beaucoup trop de promesses d’avenir pour s’arrêter sur le passé… J’ai donc décidé d’oublier un peu toute cette histoire de pendentif… Qui sait s’il ne me reviendra pas un jour de lui-même…

— Si vous saviez combien j’admire votre manière de penser et votre positivisme… Mon passé est assez sombre et je n’aime pas vraiment m’y arrêter et pour ce qui est de l’avenir qui vous semble si coloré, j’ai l’habitude de le voir plutôt en gris… Un accident est si vite arrivé…

— Mais vous savez Jean, bien des chefs-d’œuvre n’auraient jamais vu le jour sans accident…

Eva dégageait un tel souffle de confiance en la vie qu’il en devenait presque contagieux. Monsieur Coton savait qu’il s’apprêtait à faire la plus grande folie de toute son existence à cause et surtout pour elle, mais il savait aussi que dans les moments difficiles, Eva-Nescencia serait toujours sa source d’inspiration pour l’inciter à continuer.

Cet après-midi-là, Monsieur Coton profita de son temps libre pour aller visiter une partie du musée du Louvre. C’était la première fois qu’il osait y entrer. C’est Eva qui, en lui parlant de chefs-d’œuvre, lui avait donné l’envie d’y admirer la célèbre peinture de Chopin peinte par Eugène Delacroix.

Monsieur Coton resta ébahit devant la toile qu’il contempla longuement.

Deux génies de la Période Romantique s’étaient alors rencontrés et Monsieur Coton fut abasourdi par l’intensité du tourment qui émanait de cette toile. Sans aucun doute, Delacroix avait su rejoindre l’âme du grand compositeur.

En voyant cette peinture, Monsieur Coton sentit que la profonde tristesse qu’il pouvait lire sur le visage de Chopin était probablement la rançon d’un génie qui n’avait jamais cessé de tout remettre en question.

Ses propres tourments n’avaient-ils pas trouvé refuge jusque-là que dans les chiffres et le calcul? Il était maintenant temps pour lui d’apprendre à exorciser une partie de ses émotions, pensa-t-il. L’écriture allait peut-être lui permettre justement de créer un lien indissoluble entre sa sensibilité refoulée depuis toujours et la précieuse Eva-Nescencia.

Fort de cette soudaine révélation, il quitta l’endroit en remerciant encore une fois Chopin d’un léger soulève-ment de son chapeau melon.


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(À suivre)

Vous avez certainement des gens dans votre entourage qui savourent le silence d'une virgule ou le tumulte d'un point à la fin d'une phrase. Si les mots sont les mystérieux passants de l'âme, ils ont toutefois besoin d'un regard pour exister... Si vous aimez cette histoire, vous n'avez qu'à cliquer sur ( Email to a friend) situé tout juste en bas de ce texte pour le partager et n'ésitez pas à laisser un commentaire sur le blog. J'adore vous lire!

La part des ombres (86 à 89)


Octavio ferma son livre, salua discrètement les pigeons en retirant son chapeau et en inclinant un peu la tête, puis il sortit une fleur de son sac qu’il déposa avec douceur sur l’eau de la fontaine. Il regarda son faux nénuphar s’éloigner un moment, puis quitta à son tour le parc par un des nombreux sentiers de gravier.


(suite)

*


Il faisait chaud dans la maison du vieil homme. Beaucoup trop chaud pour utiliser le fourneau, mais celui-ci était pourtant au beau milieu de sa cuisine à tenter pour la troisième fois de réussir un gâteau au chocolat. Les fenêtres ouvertes faisaient danser les rideaux de même que les pages du vieux livre de recettes de sa femme dont les explications lui apparais-saient aussi clairement qu’une série de hiéroglyphes sur l’Égypte ancienne. Le vieil homme ne se souvenait pas du jour où il avait tenu une casserole dans ses mains. Il aurait pu facilement démonter et remonter n’importe quelle caméra, mais la cuisine avait toujours été le château fort de celle avec qui il avait partagé sa vie et il avait respecté cette frontière.

Il aimait beaucoup par contre y boire un verre de vin en sa compagnie et écouter du Chopin alors qu’elle cuisi-nait, mais ses connaissances gastronomiques s’arrêtaient là. Il était cependant devenu un expert dans l’art de goûter tout ce qu’elle préparait. Il piqua donc plusieurs colères au cours de cet après-midi caniculaire en tentant l’impossible.

Malgré deux essais infructueux, il usa de toute sa maigre patience pour entreprendre une dernière tentative même si la chaleur de la pièce était devenue carrément insupportable.

« C’EST QUOI DE LA POUDRE À PÂTE? », dit-il rageusement en ouvrant chacune des armoires de la cuisine en quête de cette poudre magique qui était probablement à l’origine de ses insuccès. Le vieil homme se sentait beaucoup trop orgueilleux pour aller sonner chez un voisin et lui poser la question. On lui aurait certainement diagnostiqué un début d’Alzheimer et comme il savait à quelle vitesse voyageaient les nouvelles dans son quartier, il décida de faire à sa tête et de remplacer la poudre à pâte par quelques cuillères de sucre en poudre. Il mélangea tous les ingrédients puis s’installa devant la mini fenêtre de son fourneau pour voir en temps réel la progression de son chef-d’oeuvre.

C’est longues heures de travail lui permirent toutefois d’oublier la raison principale qui l’avait poussé à entreprendre une telle expérience.

C’était la première fois depuis quarante-huit ans qu’il allait fêter son anniversaire de naissance sans elle…


*


Je voulais travailler un peu sur ma thèse cette nuit, mais les idées ne viennent pas. J’ai essayé de relire un peu Proust, puis j’ai lâché prise et j’ai plutôt opté pour une bande dessinée de Calvin & Hobbes, mais rien n’est arrivé à sortir Cédrika de mes pensées. Je sens qu’un embâcle s’est formé en moi et qu’il fait constamment gonfler toutes mes craintes. Elle était pourtant tellement belle aujourd’hui quand elle préparait ses bouquets de fleurs à l’ombre d’un arbre, mais…

C’est ridicule de voir à quel point ce foutu mot peut se glisser à la fin de chacune de mes phrases en ce moment. « Mais… »

C’est comme si j’alimentais volontairement le panier percé de toutes mes questions qui restent toutefois sans réponse.

Ai-je peur d’elle à ce point?

Ou est-ce la peur de lâcher prise et de me fracasser à nouveau comme un cœur de cristal qui cède sous le poids de sa démesure pour se retrouver en miette au pied de l’arbre de son existence?

Elle est pourtant si lumineuse…

Bah…

Je ferais mieux d’aller dormir plutôt que de tourner en rond.

Qui sait, peut-être trouverai-je refuge dans les voies du sommeil en relisant quelques pages du roman de Vincourt.

« J’ai toujours été touché par la beauté monas-tique qui l’entourait quand elle étudiait. C’était comme si elle se laissait totalement emporter par la plénitude d’un livre, peu importe son contenu. La neurologie était son champ d’action, mais même dans ce genre d’exposés très technique, elle semblait à même de voyager à travers les mots. J’adorais alors la regarder en silence et voir son visage se parsemer d’étincelle comme de minus-cules taches de lumière qui s’estompaient graduel-lement pour laisser leur place à de nouvelles.

Nous passions donc beaucoup de temps à lire côte à côte, elle, avec ses synapses, moi, avec mes ombres et tous ces mots que je rêvais incons-ciemment de lui écrire.»


*


(À suivre)

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jeudi 5 août 2010

Evanescence (page 82 à 84)


Eva ne sait toujours pas combien de temps elle compte y rester et comment elle va s’adapter à sa nouvelle vie parisienne. Ses aspirations la poussent à voir tellement plus loin, mais pour l’instant, elle n’a qu’une chose en tête : retrouver son pendentif!


(suite)


*


Vendredi…

Monsieur Coton caresse tendrement la chaîne du bijou qu’il a étendue sur l’oreiller à ses côtés. Il se demande si Eva-Nescencia va apprécier leur première destination. Il a choisi Moscou pour lui faire visiter le pays d’origine de son père. Monsieur Coton ne sait toutefois pas quand et comment ils vont s’y rendre, mais il sent que les choses progressent lentement dans sa tête et qu’il peut enfin se concentrer sur ce premier point de départ.

Il ne se rend pas au « Gargantuesque » ce midi-là. Préférant la présence d’Eva à son cou plutôt que d’aller feindre la comédie devant elle, Monsieur Coton profite plutôt de ce temps libre pour aller acheter un élément essentiel à leur départ : une valise.

C’est sur la rue des Lombards, tout près du centre Georges Pompidou, qu’il jette son dévolu sur un marchand marocain qui lui ouvre les portes de sa Mecque du « prêt-à-partir. »

Monsieur Coton se sent aussitôt oppressé par cet amoncellement de valises empilées les unes sur les autres qui forment d’immenses montagnes qui risquent de s’effondrer au moindre faux mouvement du visiteur. Deux vendeurs s’époumonent à ses côtés en lui proposant des ensembles complets et sophistiqués, lui qui ne cherche qu’une simple valise la plus fonction-nelle possible. Les deux hommes parvinrent tout de même à lui faire acheter un ensemble de trois valises de couleur jaune, le jaune étant pratique selon eux pour éviter toute confusion avec celles des autres voyageurs dans les aéroports. Monsieur Coton se retrouve donc assis dans un taxi avec ses valises presque fluorescentes sans vraiment comprendre ce qui vient de se produire. Il s’est au moins donné le pouvoir dorénavant de partir, que ce soit pour un jour… ou pour une vie…

De retour à son appartement de la rue des Rendez-vous, Monsieur Coton se sent exténué. Il s’installe paisible-ment sur son divan et regarde les trois valises qui sont placées tout près du téléviseur qu’il a allumé pour remplir le silence de la pièce. Son désœuvrement est total. En fait, c’est la première fois qu’il s’assoit dans son salon un jour de semaine. Il s’amuse à contempler la lumière drue qui darde de plein fouet son mobilier et observe la danse des particules volatiles que transportent ces puissants rayon. Ici, aucune poussière ne subsiste plus d’une journée, tout est impeccable et rangé méticuleusement.

Monsieur Coton jette un nouveau coup d’œil sur ses valises et sent une pointe d’angoisse se faufiler subtilement dans l’ordre bien établi de ses pensées. Il ferme alors les yeux afin de laisser son esprit vagabonder entre la peur de partir et l’ennui de rester.

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(À suivre)

Vous avez certainement des gens dans votre entourage qui savourent le silence d'une virgule ou le tumulte d'un point à la fin d'une phrase. Si les mots sont les mystérieux passants de l'âme, ils ont toutefois besoin d'un regard pour exister... Si vous aimez cette histoire, vous n'avez qu'à cliquer sur ( Email to a friend) situé tout juste en bas de ce texte pour le partager et n'ésitez pas à laisser un commentaire sur le blog. J'adore vous lire!

La part des ombres (84 à 86)


Les deux jeunes femmes se laissèrent sur cette note, plongeant du même coup Cédrika dans un question-nement existentiel qui retarda beaucoup ses retrouvailles « rêvastique » avec Gabriel.


(suite)

*

Toute la ville était maintenant plongée dans une importante canicule et le petit square du centre-ville n’échappait par à cette chaleur surprenante pour un mois de septembre. Le Kiosque aux fleurs était heureusement à l’ombre d’immenses arbres qui bordaient le parc dans lequel se trouvait une très jolie fontaine d’une autre époque. Ce joyau de l’endroit était décoré en son centre par des chevaux de pierre d’où jaillissaient des filets d’eau qui attiraient autant les pigeons que les passants. Ceux-ci étaient toutefois plus nombreux qu’à l’habitude afin de s’y tremper les pieds. C’est là qu’Octavio s’était installé. Il fumait sa pipe en bouquinant à travers les pages d’un livre tout en faisant clapoter l’eau avec ses orteils. En l’observant de près, on pouvait très bien voir la quiétude qui semblait occuper le moindre espace de son visage alors qu’il levait parfois les yeux de son bouquin simplement pour ouvrir une porte sur tout le reste.

Cédrika était pour sa part fidèle à son poste, mais l’homme aux fleurs resta en retrait, comme une simple couleur dans un tableau. Il put ainsi apercevoir l’arrivée du fameux Gabriel. Il n’aurait pu expliquer pourquoi, mais dès son apparition dans le square, il avait su que c’était lui. Le jeune homme semblait tanguer comme un voilier en pleine tempête et avait préféré reprendre son souffle en s’assoyant sur un banc que le poète utilisait souvent pour offrir ses fleurs. De là, il put contempler Cédrika et lentement apprivoiser le moment de leur rencontre. La jeune femme confectionnait des bouquets de Gerberas à l’ombre d’un Tilleul. Gabriel resta longtemps ainsi à l’observer, mais à un certain moment, Octavio le vit s’essuyer le front, remettre ses lunettes soleil, puis avancer vers elle en feignant une noncha-lance dans son attitude qu’un spécialiste en scène de crime aurait tout de suite jugée suspecte. On le sentait nerveux, mais la réaction de Cédrika désamorça toutes les bombes de ses appréhensions. Elle lui sauta au cou sans aucune retenue et celui-ci se mit instinctivement à tourner avec elle comme une girouette sous la puissance d’un vent qui pendant une fraction de seconde, les avait poussé hors du temps.

Octavio ferma son livre, salua discrètement les pigeons en retirant son chapeau et en inclinant un peu la tête, puis il sortit une fleur de son sac qu’il déposa avec douceur sur l’eau de la fontaine. Il regarda son faux nénuphar s’éloigner un moment, puis quitta à son tour le parc par un des nombreux sentiers de gravier.


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(À suivre)

Vous avez certainement des gens dans votre entourage qui savourent le silence d'une virgule ou le tumulte d'un point à la fin d'une phrase. Si les mots sont les mystérieux passants de l'âme, ils ont toutefois besoin d'un regard pour exister... Si vous aimez cette histoire, vous n'avez qu'à cliquer sur ( Email to a friend) situé tout juste en bas de ce texte pour le partager et n'ésitez pas à laisser un commentaire sur le blog. J'adore vous lire!



mercredi 4 août 2010

La part des ombres (81 à 84)


J’ai déjà ressenti la démesure amoureuse et celle-ci m’avait même permis de donner une tout autre interprétation à la théorie de la relativité, mais là, je crois que cette fille vient d’éclipser tout ce que j’avais mis tant de temps à déconstruire.

Elle s’appelle Cédrika…


(suite)


« Puis ce fut Paris… La seule et unique ville au monde dont je rêvais et qui nous accueillit avec la propension naturelle qu’on ces endroits qui aiment se laisser découvrir comme les grands vins dans un imperceptible amalgame de toute leur intimité. Mais ce jour là, j’ai eu peur. Peur justement de cette soudaine intimité entre elle et moi, comme si le poids historique de cette ville ne nous permettait plus de nous élever, mais illustrait plutôt la petitesse de notre statue d’humains et non de Dieu.

Je me souviens d’être entré avec elle dans un petit hôtel de la rue Saint-André des arts situé dans le magnifique quartier de Saint-Germain-des-prés et d’y avoir fait l’amour dans une symbiose peu commune, mais qui à la fin, nous fit pleurer comme deux enfants. »


*


— Raconte-moi tout…

Cédrika tentait vainement de retrouver ses esprits après s’être fait réveiller encore une fois par le coup de téléphone de sa meilleure amie. Elle fut cependant heureuse d’entendre sa voix, mais déçue de quitter un si beau rêve.

— Salut Lili! Ça t’arrive de dormir parfois?

― J’arrive d’une soirée, mais j’avais trop le goût de savoir comment s’était passé ton rendez-vous…

― Espèce de curieuse… En passant, tu te rappelles de mon bustier blanc, celui que tu dis que je porte toujours… Eh bien tu vas être contente, car il n’existe plus…

Lori ne comprit rien au charabia de son amie.

— Mais qu’est-ce que tu racontes? Je t’appelle pour savoir comment s’est passée ta rencontre avec Gabriel et tu me parles de ton bustier?

Qu’est-ce qui s’est passé?

Vous avez fait l’amour comme des bêtes et il l’a déchiré dans un élan passionné?

Cédrika se mit à rire.

— Au moins si c’était le cas… Non, c’est Canaille qui a fait des siennes… Tu devrais voir dans quel état elle l’a mis ainsi que mes fameuses bottes de cuir…

― Mais on s’en fout de ton chat et de ton bustier… Raconte-moi l’important… Vous vous êtes embrassé? Tu ne peux pas parler car il est couché à côté de toi?

Il a un frère jumeau et célibataire?

La jeune femme était morte de rire devant la démesure qui caractérisait souvent la curiosité de Lori, surtout quand il s’agissait des potins artistiques qu’elle ne cessait de lire dans les journaux ou tout ce qui touchait de près aux courriers du cœur de sa meilleure amie.

— Rien de tout ça… Nous avons passé la journée ensemble beaucoup plus tôt que prévu, puis on a marché très longtemps près du port tout en racontant nos vies respectives comme deux moulins à paroles… J’ai chanté aussi, dit-elle en riant.

— Et il ne s’est pas enfui?

― Non… Il a même éclaté de rire devant mes emportements… Il est adorable avec sa légère réserve comme s’il devait pondérer sa propre folie…

― Ce type est un saint, lui dit Lori en se moquant d’elle. Mais tu ne vas pas me dire que vous avez seulement parlé et marché?

Aucun rapprochement?

― Je ne crois pas sérieusement que nous aurions pu être plus près l’un de l’autre… Il n’y avait que l’air qui nous séparait et un peu moins lorsqu’il a pris ma main pour se dépêcher d’aller voir de plus près une sorte de pélican que nous venions d’apercevoir sur un quai en plein nuit…

― Je n’en reviens pas… Tu es vraiment terrible Ced… Marcher, parler, chanter, rire, et voir un oiseau… Tu devrais écrire des chansons et me laisser le reste… Je ne lui aurais pas fait de mal moi à ce garçon si tu n’avais pas été présente au café quand il est arrivé… Je lui aurais même proposé de faire la vaisselle dans l’arrière-boutique plutôt que de lui faire payer son chocolat chaud, dit-elle en ne pouvant contenir un puissant éclat de rire.

― Trop tard pour toi, lui dit Cédrika avec une pointe d’ironie.

― Et vous vous revoyez quand?

— Je ne sais pas… Rien de prévu pour le moment, mais je l’ai déjà revu dans le rêve que tu viens de couper il y a quelques minutes… J’ai son numéro et il a le mien alors nous verrons…

― Une chance qu’il a le tien, car avec toi, je suis certaine que tu ne l’appellerais même pas…

― De quoi tu parles… Tu me crois incapable d’assumer mes sentiments?

― Je crois surtout que chaque seconde qui te sépare de cet appel sera teintée d’une raison supplémentaire pour ne jamais lui téléphoner…

— Pfff! N’importe quoi…

Les deux jeunes femmes se laissèrent sur cette note, plongeant du même coup Cédrika dans un question-nement existentiel qui retarda beaucoup ses retrou-vailles « rêvastique » avec Gabriel.

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(À suivre)

Vous avez certainement des gens dans votre entourage qui savourent le silence d'une virgule ou le tumulte d'un point à la fin d'une phrase. Si les mots sont les mystérieux passants de l'âme, ils ont toutefois besoin d'un regard pour exister... Si vous aimez cette histoire, vous n'avez qu'à cliquer sur ( Email to a friend) situé tout juste en bas de ce texte pour le partager et n'ésitez pas à laisser un commentaire sur le blog. J'adore vous lire!

Evanescence (page 79 à 81)


Eva lui fit un clin d’œil et lui tendit le bras, l’invitant à l’accompagner au restaurant en lui promettant le plus fastueux des repas.


(suite)

*

Bien après le départ de Monsieur Coton, la jeune femme vint saluer son patron avant de quitter le restaurant pour se rendre chez-elle. Il était maintenant 22h10. Eva-Nescencia marchait paisiblement en direction de son appartement. Elle ne s’était jamais réellement préoc-cupée d’un quelconque danger dans sa vie et surtout pas du fait de marcher seule dans les rues de Paris en pleine nuit. C’est peut-être d’ailleurs cette attitude de confiance pour tout ce qu’elle entreprenait qui constituait son principal gage de sécurité. Elle rentra donc chez elle à pied comme à son habitude sans ressentir la moindre crainte. Mais ce soir-là, la jeune femme ne s’aperçut pas qu’elle était suivie à distance par un homme…

Un homme au chapeau melon…

Eva-Nescencia habite au 135 rue Delescule, dans un minuscule appartement où les livres servent autant d’inspiration que de mobilier. On dirait que cette quantité impressionnante de bouquins absorbe toute la lumière naturelle de la pièce conférant aux lieux un air ténébreux comme dans les vieux appartements russes des romans de Dostoïevski.

Eva s’est tout de même bien installée dans ce palais de papier. Elle partage son lit avec « Pollux », son tigre de maison au poil de neige comme elle aime bien l’appeler. Elle possède aussi un petit réfrigérateur, un poêle au gaz, et une quantité phénoménale de bibelots qui sont éparpillés un peu partout sur des piles de livres, petites pièces de collection hétéroclites qu’elle récupère dans les poubelles et qui lui servent autant de décorations que de jouets pour son chat.

Eva a développé cette habitude un peu bizarre de fouiller dans les ordures de ses voisins depuis des années. Elle cherche surtout les lettres jetées ou les bouts de papier qui peuvent par la suite nourrir son imagination. C’est sa façon à elle de découvrir et de s’inventer la vie des gens de son quartier. C’est ainsi qu’elle a gentiment surnommé son voisin du haut « Casanova », puisqu’elle est convaincue qu’il passe son temps à écrire des lettres d’amour. La nuit venue, elle perçoit très clairement le son particulier de sa machine à écrire et le lendemain, elle trouve souvent des feuilles qu’il jette en boule dans ses ordures. Eva en a déjà récupéré une belle collection qu’elle prend la peine de repasser avec un fer pour leur redonner un semblant de forme.

Il y a aussi « Madame Craquelin », sa voisine du bas, qui selon la jeune fille, est probablement en voie d’ouvrir sa propre usine de biscuit aux brisures de chocolat en constatant le nombre incroyable de boîtes vides qui traînent dans ses sacs à ordures.

Et que dire du vieil homme qu’elle appelle vulgai-rement « matricule 138 » à cause de son adresse.

Ce vieux fou vicieux et machiavélique qui habite en face de chez elle l’a tout d’abord charmée. Tous les matins, elle le voyait déposer des graines pour les pigeons du quartier dans une sorte de pot de fleurs accroché à sa fenêtre. Eva, qui a toujours adoré les animaux, s’est donc laissée toucher par le geste du vieil homme jusqu’à ce qu’elle trouve des milliers de plumes dans ses déchets. Dégoûtée, son imagination fit le reste du travail.

En fouillant dans les ordures des autres, Eva cherche simplement à concrétiser son ardent besoin de vivre plus que sa vie. Les livres lui permettent de s’évader, mais il leur manque le défi de l’action que seule lui offre la réalité dont elle a tant besoin.

Heureuse de retrouver enfin son appartement, elle se rappelle toutefois qu’elle a dû supplier la propriétaire, une vieille femme au sourire édenté qui vit au rez-de-chaussée, pour qu’elle accepte de lui louer l’appar-tement. C’était un des rares endroits au loyer abordable qu’elle avait trouvé et qui était situé tout près de son travail, une situation idéale pour elle.

La propriétaire avait finalement succombé au charme et à la vivacité de cette jeune fille et avait accepté de lui louer une chambre au mois.

Eva ne sait toujours pas combien de temps elle compte y rester et comment elle va s’adapter à sa nouvelle vie parisienne. Ses aspirations la poussent à voir tellement plus loin, mais pour l’instant, elle n’a qu’une chose en tête : retrouver son pendentif!

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(À suivre)

Vous avez certainement des gens dans votre entourage qui savourent le silence d'une virgule ou le tumulte d'un point à la fin d'une phrase. Si les mots sont les mystérieux passants de l'âme, ils ont toutefois besoin d'un regard pour exister... Si vous aimez cette histoire, vous n'avez qu'à cliquer sur ( Email to a friend) situé tout juste en bas de ce texte pour le partager et n'ésitez pas à laisser un commentaire sur le blog. J'adore vous lire!