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jeudi 8 juillet 2010

La part des ombres (53 à 55)


Elle chuchota un merci à Octavio et plongea délicatement sa main dans un sceau pour en sortir une branche d’orchidées qu’elle contempla en écoutant tomber la pluie. Elle ne savait pas encore que l’image de cette fleur resterait gravée en elle toute sa vie, mais à ce moment, une vague de chaleur parcourut ses veines.

*

(suite)


Il pleut cet après-midi, mais malgré toute cette pluie, je suis incapable de quitter le parc. Il n’y a pratique-ment personne qui est passé par ici. Même les écureuils ont préféré rester au sec. J’ai seulement vu Spif, un des plus gourmands, qui est descendu d’un peuplier où il semble avoir construit sa tanière, mais il s’est bien vite ravisé et je ne l’ai plus revu ensuite. J’aurais dû moi-même en profiter pour aller à la bibliothèque et essayer d’avancer ma thèse, mais la rationalité n’a jamais été le point fort de ma personnalité. Je suis donc revenu ici, sur le même banc qu’hier et j’attends comme un pelleteur de nuages qui espère voir réapparaître la lumière. J’ai alors pensé à cette citation de Proust qui aurait dû me convaincre de quitter, mais j’ai préféré rester un peu. « Le moment était peut-être particulièrement bien choisi pour renoncer à une femme à qui aucune souffrance bien récente et bien vive ne m'obligeait de demander ce baume contre un mal, que possèdent celles qui l'ont causé. »

J’adore Proust, mais j’ai tout de même décidé d’attendre. Je garde espoir de la recroiser en me disant qu’une illusion résiste parfois au temps qui passe.

J’ai donc repris ma lecture du roman de Guillaume Vincourt sous mon parapluie et je suis tombé sur un passage qui fait en sorte que je suis encore ici en ce moment.

« J’ai alors compris que le scintillement de l’or au fond du tamis de ceux qui avaient un jour tout quitté pour venir loin dans l’Ouest américain, n’était qu’une fraction de ce rêve qui les poussait inlassablement à plonger cet instrument de fortune dans le fond d’une rivière. Cette longue litanie de gestes n’était en fait que l’ultime espoir de donner un sens à leur existence.

J’ai éprouvé cette même sensation lorsque cette femme a croisé le tamis de mon regard pour la première fois. »

*

Cédrika fut libérée plus vite qu’à l’habitude de son travail. La pluie n’avait pas cessé de la journée et le propriétaire de la boutique l’avait appelé pour lui donner carte blanche sur l’heure de fermeture. Elle décida donc de quitter plus tôt voyant que personne ne venait acheter des fleurs et histoire aussi de laisser à celles-ci, la chance de profiter un peu de ce lointain appel de la pluie en silence. Elle aimait imaginer que cette musique pouvait les plonger dans une sorte de nostalgie qui allait rehausser leur beauté. « On offre souvent ce qui a de plus beau et de plus pure en nous quand on est confronté au souvenir de ce qui, l’espace d’un instant, nous a rendu le plus près de nous-même » lui avait un jour dit Octavio. Elle pensa donc à toutes ces fleurs, s’abreuvant d’un passé pourtant si près, mais qui pour elles, représentait déjà le côté infini du moment où le couperet de leur existence s’était abattu pour les séparer de cette source de vie.

(À suivre)

* Vous avez certainement des gens dans votre entourage qui savourent le silence d'une virgule ou le tumulte d'un point à la fin d'une phrase.
Si les mots sont les mystérieux passants de l'âme, ils ont toutefois besoin d'un regard pour exister...
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