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Si vous me le permettez, j’aimerais bien le conserver pour quelques jours, histoire de le relire encore…
Elle le regarda un peu surprise, mais fut très heureuse de constater la réaction de son client. Le sourire qu’elle lui fit à cet instant lui servit de réponse.
(suite)
Eva était de celles dont les hommes tombaient facilement amoureux. En plus d’un charisme naturel qui s’ajoutait à sa grande beauté, sa présence lumineuse donnait une toute autre dimension à l’endroit où elle se trouvait, comme si elle galvanisait tous ceux qui prenaient place autour d’elle. Monsieur Coton ne fit pas exception à la règle. Il n’avait toutefois jamais encore connu le véritable sens de ce qu’on appelle l’amour. Il avait plutôt toujours éprouvé un grand vide face au seul lien amoureux dont il pouvait se rappeler, celui de sa mère qu’il n’avait pourtant jamais connu. Il avait donc de plus en plus peur de cette curieuse attirance qu’il ressentait envers cette jeune femme qui venait d’entrer dans sa vie telle une tornade dans un verre d’eau.
Monsieur Coton connaissait Eva-Nescencia depuis une semaine seulement, mais l’accumulation de tous ces petits moments intenses qui dépassaient largement les autres événements de son existence firent en sorte qu’il se sentait enivré par sa présence même s’il cédait souvent à ses peurs en prenant la fuite.
Il n’était cependant pas fou et savait parfaitement que cette relation ne pouvait s’épanouir que sur un plan purement platonique compte tenu de leur grande différence d’âge. Il devait donc apprendre à pondérer ses élans tout en continuant toutefois de cultiver ce lien qui illuminait une nouvelle voie dont elle ne pouvait qu’être le phare.
Il laissa à nouveau l’argent sur la table, lui fit un petit signe de la main en guise d’au revoir et retourna lentement à son monde de chiffres.
Cet après-midi-là, avant même d’avoir poinçonné sa fiche de présence, Monsieur Coton se donna un nouveau défi : saluer personnellement tous les autres employés de la banque. Plusieurs d’entre eux parurent surpris, mais ils saluèrent l’homme au chapeau melon à leur tour comme on salut une vague connaissance. Celui-ci s’installa par la suite à son bureau, satisfait de la tournure des événements et plutôt que de plonger immédiatement dans les chiffres, Monsieur Coton prit le temps de relire quelques passages du bouquin d’Ajar.
« Il y a dans tout homme un être humain qui se cache et tôt ou tard, ça finira par sortir »
(L’angoisse du roi Salomon)
À 16h59, il range proprement ses dossiers sur son bureau, prend la housse contenant l’habit qu’il a oublié de laisser à la blanchisserie, s’arrête au kiosque à journaux où il achète une revue de mode dont la couverture l’a trop souvent inspiré sans qu’il n’ait le courage de l’acheter, et part simplement s’installer au lavoir du boulevard de Vincennes pour laver lui-même son habit et lire sa revue.
Oubliant toute notion de temps, il arrive même en retard chez lui pour écouter son jeu télévisé.
Alors qu’il est confortablement installé dans son lit, la musique de Chopin prend déjà une longueur d’avance dans son imaginaire et lui offre une prestation d’une telle douceur, que Monsieur Coton s’endort avant même d’avoir eu le temps de mettre en marche sa vieille table tournante.
***
(À suivre)
* Vous avez certainement des gens dans votre entourage qui savourent le silence d'une virgule ou le tumulte d'un point à la fin d'une phrase.
Si les mots sont les mystérieux passants de l'âme, ils ont toutefois besoin d'un regard pour exister...
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