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samedi 30 octobre 2010

Au revoir!


Alors voilà la fin qui est arrivée... Le blog va rester ouvert mais je ne crois pas y ajouter d'autre romans pour l'instant... Ceci sera donc le dernier mail envoyé directement sur votre courriel puisque le service avec Feedblitz...
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Au plaisir de vous lire :)

Ben


vendredi 29 octobre 2010

suite et fin du roman La part des ombres


Il se dirigea ensuite vers la sortie du cimetière, mais rendu devant la porte d’entrée, il glissa la photo qu’il venait tout juste de prendre sur la chaise vide du gardien.


(suite et fin du roman)


*


Cédrika observait du haut de sa fenêtre le ciel brumeux qui venait de prendre une couleur pourpre et qui semblait tomber vers le sol comme le voile d’une mariée. Il était près de huit du matin et la ville s’éveillait lentement dans ce brouillard printanier qui annonçait une autre belle journée.

La jeune femme n’avait pas fermé l’œil de la nuit et avait lu et relu le texte de Roméo et Juliette qu’elle allait interpréter pour la toute première fois dans quelques heures. C’est elle qui avait finalement été choisie pour incarner le rôle de Juliette et elle n’en n’avait parlé à personne d’autre qu’à sa meilleure amie. Les répétitions avaient finalement débuté au mois de janvier et c’est ce soir qu’avait lieu la première médiatique de la pièce.

Canaille la sortit de sa torpeur en sautant dans ses bras. Le ronronnement régulier du chat l’apaisa lentement et Cédrika sentit aussitôt une sensation d’apaisement en fermant les yeux. Elle dormit ainsi pendant près d’une heure, puis sursauta en entendant le klaxon d’une voiture. Prit de panique, elle se leva pour aller regarder l’heure et fut soulagée de voir qu’elle avait encore un peu de temps devant elle avant de partir pour la répétition générale de la pièce. Voulant se secouer un peu, elle décida d’aller courir au parc et de terminer son jogging en passant devant le café, espérant y trouver un nouveau message de Gabriel.

Rendue là-bas, elle fut tellement heureuse de voir une série de flèches qui avaient été dessinées sur le trottoir et qui la menait curieusement vers une boîte télépho-nique, qu’elle n’entra pas dans le café pour saluer Lori. Au pied de cette boîte, elle put lire un numéro de téléphone qu’elle ne connaissait pas du tout. Elle savait pourtant que ces flèches avaient bel et bien été dessinées par Gabriel puisqu’elle avait reconnu sa signature alors qu’à la fin des numéros, il avait glissé ses éternels trois petits points de suspensions qui étaient sa marque de commerce. Elle composa donc nerveusement le numéro, puis un répondeur s’enclencha. « Un journal vous a été livré ce matin et une invitation vous est lancée à la page trente-neuf. » C’était la voix de Gabriel et elle ne put s’empêcher de recomposer plusieurs fois le numéro pour l’entendre à nouveau.

Rendu chez elle, Cédrika trouva le journal dans sa boîte aux lettres et l’ouvrit précipitamment à la page indiquée. Collé en plein milieu de celle-ci, il y avait un billet pour assister à la première de Roméo et Juliette de même qu’un petit mot qu’il lui avait écrit « Puisque vous y serez déjà et que je n’aime pas aller seul au théâtre, je vous ai donc acheté un billet afin de partager avec vous ce bonheur de vous voir jouer pour la toute première fois. » Elle se mit aussitôt à pleurer, puis à rire devant cette si belle folie.


*


Il était près de midi lorsque le vieil homme se présenta à la résidence spécialisée où sa mère logeait. Frédéric miaulait toujours dans sa cage malgré toutes les tentatives qu’avait essayées le vieil homme pour le sortir de son état. Il passa rapidement devant le comptoir d’accueil où un préposé était occupé à expliquer à un patient malentendant qu’il devait maintenant aller manger et se dirigea directement vers la chambre de sa mère. Il croisa quelques personnes qu’il avait l’habitude de voir, saluant au passage un jeune trisomique à qui il distribuait régulièrement des photos. Celui-ci se mit alors à le suivre dans le corridor en balançant la tête de gauche à droite dans une sorte de négation qui semblait s’adresser à lui. Rendu tout près de la chambre, le jeune homme déposa sa main sur l’épaule du vieil homme et en se retournant vers lui, il put lire la détresse dans son regard d’enfant qui n’avait pas encore appris tout à fait à s’exprimer. Le choc fut terrible lorsqu’il entra dans la pièce et qu’il la trouva vide. Sa mère n’était pas là. Le poste de télévision non plus et on pouvait encore voir sur les murs les traces de toutes les photos qu’il avait collées afin de lui rappeler des parcelles de son histoire et qu’on venait de retirer. Le jeune trisomique se pencha vers le sol et se mit à parler au chat qui s’était soudainement calmé.

« Partie » lui dit-il à plusieurs reprises.

Le vieil homme se mit à trembler…

« Partie »

Il déposa doucement la cage au sol…

« Partie »

Puis son corps se coula contre la paroi du mur…

« Partie »

Son regard se fixa sur l’oreiller vide comme il l’avait si souvent fait sur celui de sa femme depuis son départ…

« Partie »

Et il eut un grand silence en lui…


Une infirmière entra alors dans la chambre et vit le vieil homme assit par terre en état de choc en compagnie de son chat et du jeune patient. Elle demanda aussitôt de l’aide et se pencha vers l’homme au visage aussi blanc qu’une orchidée. Une autre infirmière prit alors le bras du jeune trisomique pour le faire sortir de la pièce, mais celui-ci ne cessa de prononcer le mot «Partie » de plus en plus fort. Elle dut user d’une certaine force physique pour le faire sortir de la pièce, mais dans un mouvement vif, le jeune trisomique s’esquiva un instant et sortit de sa poche une image qu’il tendit vigoureusement vers le vieil homme. Celui-ci se tourna vers lui et il put clairement lire la douleur insondable dans son regard suppliant qui semblait n’attendre qu’un geste de sa part pour se libérer d’un secret beaucoup trop grand pour lui. Le vieil homme prit alors la photo dans sa main et il reconnut immédiatement cette image qu’il avait prit à bout de bras quelques semaines auparavant. On pouvait voir son propre visage et celui de sa mère qui souriait. Il lui avait offert cette photo afin qu’elle puisse se souvenir un peu de son fils malgré sa mémoire qui avait pratiquement disparu. Il n’avait pas revu cette image depuis, mais tout au bas de celle-ci, sa mère avait inscrit quelque chose. Le vieil homme se mit aussitôt à sangloter lorsqu’il lut son prénom…

Gabriel...


*


Octavio lisait le journal dans le square où une critique élogieuse était faite au sujet de la première de la pièce Roméo et Juliette qui avait eu lieu la veille. Il fumait sa pipe près de la fontaine lorsqu’il vit Cédrika arriver au kiosque aux fleurs en compagnie de Gabriel. La jeune femme était extraordinairement resplendissante. On aurait dit un ange qui perdait ses plumes à chaque mouvement pour mieux se libérer des contraintes de l’envol.

Il l’observa ainsi un long moment, relu une dernière fois les éloges qu’on avait faits à son sujet suite à sa performance, puis il déposa sur l’eau une orchidée qui se mit à flotter dans le bassin. Il se leva ensuite et regarda une dernière fois en direction du kiosque pour voir la jeune femme qui riait allègrement. Octavio savait qu’il n’oublierait pas ce rire de si tôt. Il inclina légèrement la tête en guise d’au revoir vers Cédrika qui ne l’avait pas vu, puis il marcha ensuite dans un sentier qui s’éloignait avant de complètement disparaître du champ de vision de cette fontaine qui quelque part, était un peu la sienne.

« C’est elle qui m’a fait découvrir un jour cet endroit de verdure en plein cœur du centre-ville. Gaïa adorait surtout la fontaine situé en plein milieu de ce parc où d’immenses chevaux de pierre se cabraient l’un autour de l’autre tout en expirant des jets d’eau suite à une hypothétique course effrénée. Nous terminions souvent nos prome-nades à cet endroit, surtout l’hiver, alors que la fontaine n’était plus qu’un amas de neige d’où jaillissaient des museaux de pierre. Il existait alors une sorte de plénitude qui cohabitait avec une puissante furie dans cette sculpture. Celle-ci illustrait magnifiquement la démesure qu’avait prit notre complicité au fil du temps. Je me souviens très bien d’avoir alors pensé que si tout devait avoir une fin, c’était ici le seul endroit que j’aurais voulu l’imaginer. »

Guillaume Vincourt


*


Le lendemain, le vieil homme se présenta au cimetière beaucoup plus tard qu’à son habitude. Il passa lentement devant le gardien et celui-ci remarqua qu’il tenait soigneusement une petite boîte de métal dans ses mains. Le gardien le salua et à sa grande surprise, le vieil homme répondit à son salut d’une manière presque courtoise. Celui-ci poursuivit ensuite son chemin vers la sépulture de sa femme. Ici et là poussaient les premières tulipes qui comme des vitraux dans une église, allaient bientôt rehausser d’éclats particuliers les allées du cimetière.

Lorsqu’il arriva devant la tombe de sa femme, le faux Chopin y était confortablement installé et se prélassait sous un croissant de soleil qui réchauffait le monument funéraire. Le chat tourna la tête vers lui et pour la première fois, il accepta que la main du vieil homme se pose un instant sur lui. Celui-ci déposa ensuite la boîte métallique qu’il transportait, puis il s’accroupit au pied du monument. Il sortit alors une truelle de la poche de son imperméable et commença à creuser un trou dans la terre compacte. C’est à ce moment qu’une voix le fit sursauter.

— Si ce n’est pas mon joueur d’échec préféré…

Le vieil homme resta abasourdi d’entendre cette voix.

— Mais qu’est-ce que vous faites ici?

— Bah… Je m’ennuyais un peu au parc et avec une si belle journée, j’ai eu le goût de faire une promenade… Comme j’adore la sérénité qu’on retrouve dans les cimetières, me voilà ici…

— Vous savez que vous êtes vraiment bizarre?

Octavio lui offrit son sourire en guise de réponse.

— Et vous, ce n’est pas un peu tôt dans la saison pour planter des fleurs?

Le vieil homme continua son travail sous les yeux de Chopin qui se laissait curieusement caresser la tête par cet inconnu.

— Vous avez besoin d’aide? Octavio n’attendit pas la réponse et à l’aide d’une branche solide, il se mit à sarcler le sol.

— J’ai toujours aimé l’odeur de la terre comme si elle m’offrait un bouquet de promesses…

C’est aussi là que tout s’arrête, lui dit le vieil homme d’un ton qui ne pouvait cacher sa douleur.

— Vous avez raison, mais c’est le cycle de la vie… Nous avons besoin d’eau pour vivre, mais j’ai toujours préféré la terre, car c’est d’elle que naissent les plantes et c’est grâce à elles si nous pouvons respirer…

— Bah… Pour ce que ça vaut… On passe toute notre vie à accumuler des souvenirs pour les voir lentement s’effacer et à la fin, il ne reste plus qu’une couche de noirceur où on croupit pour l’éternité…

Octavio prit une grande bouffé de sa pipe avant de répondre.

— Vous savez, la mémoire n’est que la partie tangible de ce qui a marqué votre existence… Mais l’âme est un champ probablement aussi vaste que celui des étoiles et même si la distance entre chacun de ses souvenirs est énorme, il n’en demeure pas moins qu’en regardant le ciel, on sait pertinemment que toutes ces étoiles ont déjà existé…

Le vieil homme garda la tête inclinée vers le sol, mais sa main s’arrêta un moment. Il pensa à la photo de sa mère et les larmes du ciel de ses souvenirs vinrent tomber comme des perséides dans le trou qu’il venait de creuser.

Octavio déposa sa main sur son épaule et resta muet devant cette silencieuse confession.

Le vieil homme prit alors l’urne et la déposa au fond. Il plongea ensuite sa main dans la poche de son imperméable et sortit la photo si lumineuse sur laquelle elle avait inscrit son prénom.

Il la tendit nonchalamment vers Octavio qui prit un moment pour bien la regarder. Le vieil homme offrit ensuite un dernier baisé à l’urne de la disparue, puis déposa la photo dans le même trou avant de ramener la terre qui forma désormais un léger monticule sous le poids de ses souvenirs.

Il prit une grande inspiration pour se secouer un peu puis tendit sa main vers Octavio pour le remercier de son support. Il s’approcha du faux Chopin et lui dit tout simplement, « Prends bien soin d’elles! » avant de quitter l’endroit d’un pas lourd.

Octavio regarda s’éloigner le vieux Gabriel qui tanguait comme un paquebot dans une tempête, mais il fut heureux de voir à quel point le temps s’était éclaircit depuis leur première rencontre. Il se retourna alors vers le chat qui n’avait toujours pas bougé et ses yeux se posèrent sur l’inscription qu’on avait gravée dans la pierre. Il put y lire « À la plus douce des âmes qui s’appelait Cédrika »

L’homme aux fleurs inclina légèrement la tête en guise d’au revoir puis déposa une orchidée blanche tout près du nom de la jeune femme qui ne l’était plus, avant de s’éclipser définitivement dans une allée dont il ne connaissait encore rien du chemin, mais où il pouvait désormais s’envoler.

(fin)


En espérant que Cédrika, Gabriel et Octavio (alias Guillaume Vincourt) aient su vous toucher comme ils l'ont fait à leur manière dans mon univers...


Benoit Clément