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vendredi 2 juillet 2010

Le poids des ombres (page 35 à 38)


Le vieil homme tendit timidement sa main au poète pour le saluer, puis avant de quitter, il prit son appareil photo et pointa l’objectif en direction du mur où se reflétait l’ombre du clocher.

*

(suite)

Cédrika venait tout juste de quitter son amie et se dirigeait lentement vers son lieu de travail. Elle flâna un long moment devant les boutiques du quartier et sembla transportée par une bonne humeur contagieuse qui se transposait sur les passants qu’elle croisait et qui répondaient souvent aux sourires qu’elle distribuait sans compter. Elle fut d’autant plus heureuse lorsqu’elle arriva au kiosque où elle travaillait et qu’elle vit les chaudières remplies de fleurs fraîchement cueillies qui allaient inspirer ses créations.

Octavio se présenta quelques instants plus tard avec son plus cordial sourire.

— Tu en fais une de ces têtes ma jolie Reine…

Cédrika qui voyageait très loin dans ses pensées fut enchantée de retrouver son vieux poète.

― Ohhh! Je suis tellement heureuse de vous voir…

La jeune femme irradiait de cette lumière particulière qu’on retrouve dans la braise d’un feu qu’une brise vient de rallumer. La beauté devient alors une simple représentation d’un authentique bien-être.

— Ton audition s’est bien déroulée?

— Si vous saviez à quel point c’était génial… Il n’existe pas d’autres mots pour expliquer cette sensation d’emportement que j’ai ressenti sur scène… Un de mes professeurs était présent ainsi que trois autres personnes dont le metteur en scène de la pièce, mais j’étais curieusement très calme… J’ai même senti ma prof plus nerveuse que moi… Dès le début de la scène, je crois que j’ai été transporté ailleurs…

― Wow! Ça me fait vraiment plaisir d’entendre cette bonne nouvelle… Tu sais que je suis très fier de toi Cédrika… J’ai toujours été convaincu de ton talent, mais parfois, tu doutes tellement de toi-même que j’avais peur que tu ne puisses être à la hauteur de celui-ci…

La jeune femme fut enchantée de sentir cette grande générosité et cette si belle complicité qu’ils avaient su développer ensemble depuis quelques mois. Elle aurait aimé avoir encore ce genre d’échanges particuliers avec son père qui avaient bercés toute son enfance. Malheureusement, le temps était passé, transportant dans son sillon un lot de désabusements qui avait transformé un père rêveur en une triste copie aigrie de sa réalité.

― Je ne sais toujours pas si j’aurai le rôle, mais je suis maintenant certaine de vouloir faire ce métier… Mon professeur m’a dit que j’ai été excellente…

La jeune femme ne put s’empêcher de rire nerveusement, toujours enivrée par une énergie débordante qu’elle n’était pas en mesure de contrôler.

— Je suis tellement heureux pour toi… Il n’y a rien de plus beau que de voir émerger les bulles de lumière dans les yeux de ceux qui sont à l’écoute de leurs passions… Et tu peux être certaine que si j’avais 40 ans de moins, je ne serais pas ici pour t’acheter des fleurs en ce moment, mais plutôt pour t’en offrir, lui dit-il en lui lançant un de ses clins d’oeil qui intimidait à tous coups la jeune femme. Elle aimait toutefois entrer dans le jeu théâtral de cet homme comme si une idylle intemporelle les unissait.

— Si vous aviez 40 ans de moins, vous ne passeriez pas votre temps à essayer de motiver une éternelle indécise comme moi et vous ne seriez surtout pas celui que vous êtes… Combien de fois vous ai-je entendu dire que seul le regard d’une femme est en mesure de changer le monde… Eh bien dans votre cas, je crois que Gaïa y a été pour beaucoup… Je suis donc simplement privilégiée de vous connaître maintenant…

Une ombre passa à travers le regard d’Octavio lorsqu’il repensa à Gaïa.

— Elle m’a effectivement beaucoup changé… Je dirais qu’elle a permis à l’homme de passion de s’extérioriser du carcan dont je m’étais enlisé… Je me souviens pourtant d’avoir été un enfant très enjoué et même un peu hyperactif par moment, mais l’adolescence m’a rendu taciturne je crois… Tu sais qu’à cette époque, malgré mon métier de libraire et mon amour pour les mots, je n’avais encore jamais osé écrire quoi que ce soit avant de la rencontrer…

― Vous ne m’avez jamais dit que vous étiez écrivain, lui dit Cédrika qui ne semblait toutefois pas surprise d’entendre une telle chose.

― Écrivain est un bien grand mot… C’est une longue histoire que je te raconterai peut-être un jour, mais oui j’ai écrit… pour elle, pour moi, pour elle en moi…

La jeune femme le regarda longuement, laissant aux mots le temps de s’épandre en elle et de se diluer dans les yeux du poète.

― Et vous avez publié?

L’homme aux fleurs fut incapable de répondre. Il s’empressa de se lever de sa chaise, prétextant une soudaine soif, puis s’éclipsa vers un café situé tout près.

Cédrika le regarda s’éloigner, emportant avec lui cette part de pénombre qui donnait du relief à sa person-nalité, puis les cloches de l’église résonnèrent quatre fois pour annoncer l’heure. Elle vit alors les pigeons du parc s’envoler d’un trait vers le ciel, appelés là par une mystérieuse danse où tous et chacun y allait d’une parfaite synchronisation sauf un qui marchait toujours lentement au milieu du square. C’était lui, Octavio, cet oiseau particulier qui possédait son propre rythme, tout comme sa propre danse.

*

(À suivre)

* Vous avez certainement des gens dans votre entourage qui savourent le silence d'une virgule ou le tumulte d'un point à la fin d'une phrase.
Si les mots sont les mystérieux passants de l'âme, ils ont toutefois besoin d'un regard pour exister...
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