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dimanche 27 juin 2010

Evanescence (page 20 à 25)


Il est 19h30…

Monsieur Coton s’installe devant son vieux téléviseur afin d’écouter son émission fétiche. Il est en effet devenu maître du jeu-questionnaire « Des chiffres et des lettres. » Même s’il n’a jamais eu le courage de s’y inscrire comme participant, il gagne encore une fois.

À 20h00…

Il prend son dîner en regardant les nouvelles télévisées en compagnie de sa baguette de pain et de son fromage. Il aime bien être à l’affût des événements pour ne jamais être pris au dépourvu sur les faits saillants de l’actualité. On ne sait jamais, peut être qu’un jour, on lui demandera son opinion…

Dans son esprit, la voix du journaliste se mit à ralentir lentement… lentement…

« Pas d’autres nouvelles aujourd’hui dans l’actualité si ce n’est qu’un homme a fait la rencontre étrange d’une merveilleuse jeune femme dans un café… »

Monsieur Coton sursaute comme s’il sortait d’un mauvais rêve. Il n’est pourtant pas encore 22h00, heure où il ferme quotidiennement son livre et se couche en écoutant le seul album qu’il possède, celui des Préludes de Frédéric Chopin.


***

Le lendemain matin, Monsieur Coton se lève. Il mange sa tartine de pain grillé avec le restant de la baguette de la veille. Il se rase avant d’effectuer les derniers ajustements à son nœud papillon tout en se contemplant devant le miroir.

Il est 7h57…

Il essaie de sourire, mais il constate que ses moustaches épaisses et tombantes lui donnent toujours l’impression qu’il fait la moue. Ses cheveux sont bien gommés, son dentier, impeccable. Il bombe le torse en enfilant son chapeau melon et se regarde une dernière fois avec toute la prestance d’un dandy. Mais lentement, ses épaules s’affaissent alors qu’il quitte pour une autre journée de travail.

12h55…

Depuis dix minutes, Monsieur Coton sent naître en lui une certaine fébrilité à l’approche de l’heure du lunch. Il aimerait bien retrouver Bianca, retrouver le petit carton sur sa table avec l’inscription « Réservé », retrouver ses vieilles habitudes. Mais encore une fois, il trouve sa table occupée et encore une fois, un chat vient lui gruger les parois de la gorge lorsqu’il tente de parler à la jeune serveuse toujours aussi resplendissante.

Après avoir pris une grande inspiration, Monsieur Coton lui dit, un peu trop fort à son goût, qu’il y a des choses dans la vie qui se doivent d’être respectées et que cette table lui est réservée depuis des années sur l’heure du midi. La jeune femme semble décontenancée par l’humeur de son client. Heureusement pour elle, la conjugaison de surprise et de timidité que l’on peut lire dans ses yeux font en sortent que Monsieur Coton se sent totalement désarmé. Il s’excuse timidement et demande à attendre que sa table se libère.

Désolée encore une fois Monsieur… Je vais faire en sorte que cette table vous soit réservée dès demain… Bianca ne m’a pas prévenue avant son départ…

Madame Bianca est partie! C’est impossible! Mais qu’allait-il devenir, pensa-t-il.

Monsieur Coton aurait voulu fuir la présence de cette jeune femme par tous les moyens, mais il ne put s’empêcher de poursuivre la conversation…

Madame Bianca est partie pour longtemps? Lui dit-il d’un ton qu’il cherchait à garder le plus neutre possible.

Oh oui, j’ai entendu dire qu’elle avait de gros problèmes familiaux en Italie… Il semble qu’elle soit retournée vivre là-bas pour s’occuper de ses parents…

Monsieur Coton se senti complètement désemparé par la nouvelle. Elle ne lui avait pourtant jamais parlé ni de sa famille, ni de ses problèmes.

C’est dommage! dit-il du bout des lèvres. J’espère que vous serez à la hauteur de son dévouement mademoiselle?

— Eva Monsieur! Eva-Nescencia Dryade lui dit-elle en souriant.

Monsieur Coton resta sans voix!

Eva-Nescencia…

Il ne pouvait s’agir que d’un ange, un mirage venu du ciel pour arborer un nom qui semblait avoir été inventé pour elle.

Je suis enchanté Eva-Nescencia, moi c’est…

— Jean! dit-elle d’un ton espiègle avant même qu’il n’eut la chance de parler.

Il resta stupéfié… Personne ne l’avait appelé ainsi depuis des années.

Mais comment savez-vous?

Elle déposa alors son index sur ses jolies lèvres tout en lui faisant un clin d’œil.

J’ai mes sources…

La jeune femme quitta la table sur ces dernières paroles, laissant le comptable totalement abasourdi.

De retour au travail, Monsieur Coton retire sa veste pour ne pas la froisser et la dépose proprement tout près de son bureau afin de pouvoir la remettre en vitesse si jamais quelqu’un frappe à sa porte même s’il sait que personne ne vient jamais lui rendre visite. Tout l’après-midi, il s’appliquera au calcul du bilan mensuel avec encore plus de rigueur qu’à l’habitude. Il a besoin d’oublier…

À sa sortie du bureau, profitant d’un magnifique début de soirée alors que le temps est encore doux, Monsieur Coton fait un détour par le boulevard Voltaire pour repasser devant la vitrine du restaurant. Il passe une première fois feignant ne pas apercevoir la jeune serveuse qui vient de le saluer… Passe une deuxième fois en sens inverse, mais cette fois-ci, il soulève un peu son chapeau avec un sourire forcé à l’endroit de la jeune femme tout en continuant son chemin. Il arrête alors au coin de la rue et consulte sa montre. Il attend deux minutes pour ne pas avoir l’air trop ridicule puis repasse une troisième fois devant le resto, mais cette fois-ci, il s’y arrête, prétextant l’oubli de son journal sur l’heure du lunch. Il ressort, tourne à droite, puis trouvant qu’il s’allonge probablement de quelques minutes en empruntant ce chemin, il revient à nouveau sur ses pas, mais cette fois-ci en passant de l’autre côté de la rue. Il prend tout de même la peine de jeter un dernier regard au travers la vitrine du restaurant sans y apercevoir l’ombre de celle qui l’habite.

Madame Bataclan se tient à la porte de son commerce d’où elle semble observer l’arrivée de son client qui est en retard aujourd’hui.

Pour sa part, le fromager, en pleine discussion avec une cliente, a à peine remarqué l’arrivée de Monsieur Coton qui est déjà parti avec son paquet et qui a déposé cinq pièces de un euro sur son comptoir.

Le temps passe lentement ce soir-là. Monsieur Coton ne gagne pas à son jeu télévisé et les nouvelles interna-tionales sont mauvaises. Le prix de l’essence est en hausse et il n’a pas prévu le coup dans son budget. Même s’il n’a pas de voiture, il sait qu’il va devoir en louer une très bientôt pour faire sa visite annuelle chez sa tante Bernadette qui vit seule en Bretagne. C’est d’un sommeil agité qu’il termine sa soirée en compagnie de Chopin.


***

(À suivre)

* Vous avez certainement des gens dans votre entourage qui savourent le silence d'une virgule ou le tumulte d'un point à la fin d'une phrase.
Si les mots sont les mystérieux passants de l'âme, ils ont toutefois besoin d'un regard pour exister...
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Ben

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