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C’est à ce moment qu’elles croisèrent un jeune homme assis seul sur un banc du parc. Il avait les yeux fermés, un livre déposé sur les genoux, un sourire accroché au visage et Cédrika ne put s’empêcher d’imaginer les rêves qui devaient bercer cet inconnu.
Elles poursuivirent leur chemin, mais la jeune femme ne put s’empêcher de se retourner subtilement vers lui une dernière fois. C’est à ce moment qu’ils échangèrent leur premier sourire.
*
Le vieil homme marchait tranquillement dans le parc qui était situé tout près du cimetière. Il venait de visiter sa femme comme à tous les matins et avait éprouvé le besoin de venir ici. Il avait déjà aimé cet endroit à une époque où il venait souvent s’asseoir pour simplement regarder les enfants s’y amuser. N’avoir jamais eu d’enfants était probablement le plus grand manque de sa vie.
N’avoir jamais eu d’enfants avec elle...
Sa femme les adorait pourtant, mais le temps était passé avec son lot d’appréhensions que l’on repousse toujours un peu, jusqu’au jour où nos rêves ne deviennent plus qu’un bref sourire mélancolique qu’on accroche à nos lèvres pour se convaincre qu’il n’est pas trop tard et que le temps est un mode de calcul très aléatoire quand on aspire à l’éternité. Malheureusement pour eux, l’horloge biologique de sa femme s’était détraquée comme une boussole sous la force de l’aimant qui les avait un jour réunis. Leur bonheur s’était donc exprimé à travers un lot de complicité qu’ils ne furent jamais en mesure de partager.
Depuis sa mort, le vieil homme venait ici bien plus par habitude que par plaisir. Il dénigrait de plus en plus cette marmaille tapageuse que des mères insouciantes laissaient crier sauf un petit garçon plutôt spécial qui piquait régulièrement sa curiosité. Il devait avoir environ quatre ans et s’appelait Thomas. L’enfant s’amusait ce jour-là avec un ballon rouge qu’il faisait rouler sur l’herbe autant que dans les talus de fleurs qui longeait la bordure du parc, ce qui fit plaisir au vieil homme qui détestait de plus en plus l’arrogance de ces plantes colorée qui passait leur temps à renaître année après année, lui rappelant constamment le douloureux souvenir de celle qui les avait tant appréciés.
Thomas courrait presque toujours, mais il pouvait aussitôt s’arrêter devant une parcelle d’invisible qu’il était seul à avoir vu. Ce trait de caractère exaspérait souvent sa mère.
« Thomas, qu’est-ce que tu fais encore? » « Regardes où tu marches, sinon tu vas tomber! » « Thomas, va chercher ton ballon sinon quelqu’un va te le voler! »
Mais l’enfant n’était plus là et n’aurait surtout pas pu comprendre alors le phénomène de perde son ballon ni même celui de le posséder tant il semblait absorbé par son monde imaginaire. Ses yeux se portaient partout et s’attardaient de longs moments sur d’infimes détails qui auraient laissé les autres indifférents.
C’est dans un de ces élans qu’il s’approcha ce matin-là du vieil homme qu’il avait vu à plusieurs reprises et lui posa une question.
— Pourquoi tu prends jamais de photos?
Le vieil homme parut surpris d’être interpellé aussi directement. Il déposa nerveusement ses mains sur l’appareil qui trônait à son cou.
— Bein j’en prends quelques-unes…
L’enfant resta de glace et attendit sa réponse.
― Et toi, pourquoi tu me regardes comme ça?
Je ne sais pas moi pourquoi… J’en sais rien, lui dit le vieil homme qui commençait à s’énerver.
― Peut-être que ta caméra est fatiguée, lui dit alors Thomas qui ne semblait jamais cligner des yeux.
Comme s’il se parlait à lui-même, le vieil homme répondit :
— Peut-être que c’est ma mémoire qui est fatiguée…
L’enfant lui sourit, puis ses yeux prirent une très belle couleur.
― Moi, quand je serai grand, je vais être astronaute et je prendrai plein de photos du ciel…
« Thomas, vient ici! » lui dit sa mère.
Le vieil homme observa le visage de l’enfant qui s’était soudainement illuminé d’étoiles. Il fouilla dans sa poche et sortit une photographie de la lune qu’il lui offrit. Celui-ci repartit en courant avec sa photo à la main tel un petit prince ambulant retournant sur sa planète.
Lui aussi avait rêvé d’étoiles. Il en avait même visité plusieurs avec elle, mais il pesta une fois de plus contre sa vieille mémoire qui n’arrivait plus à conserver intact la beauté de tous ses souvenirs.
*
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