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Il contempla encore une fois l’intensité de son sourire pendant qu’elle servait un autre client et dut admettre, malgré toutes ses études en mathématiques et sa rationalité reconnue, qu’il n’avait probablement encore rien compris à la logique de la vie.
***
(suite)
Mercredi…
— Mais si ce n’est pas mon client préféré…
Eva jeta un coup d’œil à sa montre.
— Je commençais à m’inquiéter, vous avez plus d’une minute de retard, lui dit-elle en lui lançant un clin d’œil pétillant d’espièglerie.
Elle installa Monsieur Coton à sa table habituelle sans lui laisser de menu et disparut aussitôt vers la cuisine. Eva revint quelques instants plus tard avec une assiette de paupiettes de saumon accompagnées de tagliatelles qu’elle déposa devant lui. Monsieur Coton n’eut même pas le temps de réagir que la jeune serveuse était à nouveau disparue. Ça ne pouvait être qu’une erreur se dit-il. Il contempla tout de même la beauté du plat et attendit patiemment le retour d’Eva en tentant vainement de lui faire signe pendant qu’elle servait les clients d’une autre table. Après cinq minutes d’attente pendant lesquelles il ne parvint jamais à attirer son attention, Monsieur Coton sentit une pointe de frustration naître en lui. Eva semblait tout faire pour l’ignorer. Il ne put alors contenir son indignation…
— Mademoiselle! Je n’ai jamais commandé ce repas et j’attends toujours ma salade parisienne, dit-il à haute voix et d’un ton légèrement condescendant.
La jeune femme le foudroya du regard. Elle prit alors une grande respiration, détourna son regard et continua son travail sans même lui répondre. Monsieur Coton, la tête basse, n’osa pas pousser plus loin la confrontation. Il savait très bien maintenant que l’erreur était volontaire, mais par orgueil, il ne toucha pas à son repas et resta dignement assis à sa place pendant de longues minutes à feuilleter son journal.
Eva revint prendre l’assiette qu’il n’avait toujours pas touchée et en déposa brusquement une nouvelle devant lui dans laquelle trois profiteroles à la crème semblaient nager dans les eaux sombres d’un fleuve chocolaté. Elle quitta aussitôt la table sans explication et sans attendre la réaction de son client.
Monsieur Coton ne se rappelait plus à quand remontait la dernière fois où il avait mangé un dessert dans sa vie. Il n’avait pratiquement jamais osé céder à cette sorte de péché sucré sans être hanté par des peurs inconscientes qui lui venaient tout droit de son enfance. Son père lui avait toujours formellement défendu de manger des sucreries, signes précurseurs d’un état de débauche selon lui.
Monsieur Coton observa tout de même l’assiette avec une sorte d’envie irrésistible qu’il tenta vainement de réprimer. La faim se faisant cruellement sentir, il céda enfin et plongea aussitôt vers son assiette comme un vautour le fait devant sa proie avec une avidité dans les yeux que seul le geste vint pondérer.
C’est dans un léger tremblement de la main qu’il approcha sa fourchette du péché défendu. Il ferma alors les yeux pour mieux se laisser envahir par l’extase du contact divin entre son palais et le chocolat fondant, sensation douce comme celle d’un premier baiser. Malgré son apparente retenue extérieure, il en goûta minutieusement chacune des parcelles comme un chimiste analyse chaque molécule d’une solution, conscient que tous les éléments de cette splendeur provoqueraient tôt ou tard une réaction atomique en chaîne.
Attaqué de toutes parts, ses papilles gustatives explosèrent dans un violent tressaillement et tout son corps fut alors secoué par un puissant élan de volupté!
Il rouvrit finalement ses yeux voilés par une émotion qui lui était totalement inconnue et c’est là qu’il vit Eva-Nescencia qui le regardait avec son plus tendre sourire. Elle lui dit simplement :
— Vous savez Jean, il ne faut jamais avoir peur de donner une part d’accessibilité à la démesure de nos envies…
***
(À suivre)
* Vous avez certainement des gens dans votre entourage qui savourent le silence d'une virgule ou le tumulte d'un point à la fin d'une phrase.
Si les mots sont les mystérieux passants de l'âme, ils ont toutefois besoin d'un regard pour exister...
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