Pour recevoir la suite sur votre email

Enter your Email


Preview | Powered by FeedBlitz

lundi 2 août 2010

Evanescence (page 73 à 75)


Jeudi…

Monsieur Coton s’est réveillé de lui-même à 7h29. Il s’est pourtant couché quinze minutes plus tard qu’à l’habitude en se disant qu’il allait ainsi pouvoir faire la grasse matinée, mais on ne dérègle pas une horloge biologique comme on chamboule ses pensées. Ce fait vient d’affaiblir sa théorie qui mettait un lien direct entre cette fameuse horloge et les 31512 battements approximatifs de son cœur pendant son sommeil. Monsieur Coton est encore une fois déçu de réaliser que l’on ne peut pas tout expliquer avec les chiffres.

Pour démarrer son projet, Monsieur Coton ignore totalement par où commencer. L’idée qui lui est apparue au cimetière n’a toujours pas de structure dans son esprit, contrairement à sa journée qui elle, est déjà parfaitement planifiée. Il doit tout d’abord passer chez le libraire pour acheter des guides touristiques, s’arrêter chez Madame Bataclan, puis aller acheter le Figaro, y lire encore une fois la section économique afin de vérifier si le taux de ses obligations d’épargnes n’a pas changé depuis la veille. Monsieur Coton craint énormément les dépenses que vont engendrer son périple ainsi que l’effet d’une année sans salaire, mais sa vie frugale au cours des années lui a permis d’accumuler des économies imposantes.

Par la suite, il doit aller au restaurant pour annoncer à Eva qu’il vient de perdre son boulot. Il appréhende surtout ce moment, car il sait qu’il va devoir encore une fois jouer la comédie et, en tant que fille d’actrice, il sait qu’elle ne se laissera pas facilement tromper. Il lui faudra donc être beaucoup plus convaincant que la veille, ou espérer qu’Eva ne soit plus que l’ombre d’elle-même, toujours affligée par la perte de son pendentif.

Mais sa plus grande question en ce moment est de savoir à quel endroit ils vont partir et combien de temps va durer ce voyage?

Des questions bien perturbantes pour un homme qui n’a vécu jusqu’à ce jour, que dans une orchestration sans faute de la rationalité humaine. Monsieur Coton compte donc beaucoup sur le fait qu’Eva-Nescencia sera là inconsciemment pour les guider.

Il sort de chez lui à 10h00 et sa voisine de palier, toujours à l’affût sur son balcon, est surprise de le voir en retard et de constater qu’il semble beaucoup plus calme qu’à l’habitude. Monsieur Coton se permet même de la saluer au passage en levant la tête vers elle, la laissant pantoise et silencieuse. Seul son caniche s’est permis de lui faire entendre ses jappements comme à tous les matins.

Il se rend par la suite chez Madame Bataclan avec son complet, habité par l’intention secrète d’y jouer pour la première fois le rôle d’une victime qui vient injustement de perdre son emploi. C’est là qu’il lui annonce douloureusement qu’elle va le voir beaucoup moins souvent qu’avant puisqu’il vient d’être remercié de ses services à la banque. Monsieur Coton sait trop bien que dans un quartier comme le sien, les nouvelles vont vites. Il se doit donc d’être le plus discret et le plus concis possible dans ses propos. Madame Bataclan fut alors tellement surprise par ses explications que ses yeux mouillés prirent la forme de deux poissons nageant dans ses immenses lunettes.

La blanchisseuse ne put s’empêcher d’étreindre son plus fidèle client avec force et Monsieur Coton ressentit encore une fois le profond dégoût qu’il a toujours éprouvé pour l’odeur âcre d’une peau féminine contre la sienne, dégoût qui n’a pas changé depuis son enfance. Il se rappelle pourtant parfaitement du frémissement qu’il a ressenti lorsque Eva-Nescencia l’a embrassé sur la joue…

Après avoir réussi à s’extirper des bras de la blanchisseuse en lui promettant de revenir la voir le plus souvent possible, il se rend au kiosque à journaux où il prend le temps d’échanger quelques paroles avec le vendeur. C’est la première fois qu’il ose discuter avec lui au lieu de répondre de façon sèche à une de ses phrases préfabriquées portant sur la température.

— C’est fou comme il fait beau… Vous imaginez, nous sommes fin octobre…

Le vendeur surpris, rétorque en ronchonnant que la température chez lui, à Toulon, est encore mieux qu’ici. Monsieur Coton le salue et part lire tranquillement son journal au parc.


(À suivre)

Vous avez certainement des gens dans votre entourage qui savourent le silence d'une virgule ou le tumulte d'un point à la fin d'une phrase. Si les mots sont les mystérieux passants de l'âme, ils ont toutefois besoin d'un regard pour exister... Si vous aimez cette histoire, vous n'avez qu'à cliquer sur ( Email to a friend) situé tout juste en bas de ce texte pour le partager et n'ésitez pas à laisser un commentaire sur le blog. J'adore vous lire!

Aucun commentaire:

Publier un commentaire