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mardi 3 août 2010

La part des ombres (78 à 80)


Octavio venait d’avancer sa reine en F7. Il retrouva alors son sourire et offrit du même coup une branche de Chrysanthème au vieil homme éberlué qui se mit à rire pour la première fois depuis plusieurs semaines.


(suite)


*

Les animaux ont parfois une manière bien à eux de percevoir les émotions et de réagir avec leur instinct. Ce soir-là, quand la petite Canaille entendit la clé tourner dans la serrure, elle alla aussitôt se réfugier sous le lit plutôt que d’aller à la rencontre de sa maîtresse comme elle le faisait toujours avec un enthousiasme débordant. Cédrika fut même surprise et s’inquiéta de ne pas voir son chat à ses pieds, ni d’entendre son chaleureux ronronnement.

C’est en entrant dans la chambre qu’elle vit le désastre.

Ce matin-là, elle avait pris le temps de déposer sur son lit la paire de bottes en cuir qu’elle préférait avec une longue jupe noire, ainsi qu’un bustier blanc brodé qui lui allait merveilleusement bien. Elle avait finalement choisi cette tenue qu’elle voulait porter pour son rendez-vous, mais le hasard avait voulu qu’elle rencontre Gabriel beaucoup plus tôt que prévu et que son linge reste là, immobile, comme un linceul déposé sur un corps imaginaire.

La petite Canaille avait pourtant l’habitude de rester seule dans la chambre de Cédrika qui ressemblait très souvent à un capharnaüm de linge qui traînait un peu partout suite à ses perpétuelles remises en questions. Mais sa chatte n’avait jamais osé s’attaquer à quoi que ce soit sauf ce jour-là, comme si elle avait pressenti quelque chose.

Une des bottes était sérieusement endommagée et son bustier fétiche n’était plus qu’un amas de filets disparates qui rappelait vaguement le beau vêtement qu’il avait été.

Malgré l’intense sensation de bonheur qu’elle éprouvait, la jeune femme ne put s’empêcher d’éclater en sanglot et se laissa choir sur son lit, la tête enfouie dans l’oreiller pour éviter d’assister à ce désolant spectacle.

Le temps passa ainsi et le silence se fit progressivement dans la pièce. Canaille tenta alors une sortie et sentant l’orage passé, elle grimpa sur le lit auprès de Cédrika. Elle garda toutefois une certaine distance avec elle pour évaluer la situation. La chatte resta ainsi de longues minutes à l’observer, puis elle se faufila en ronronnant dans le creux de ses bras lorsque celle-ci s’endormit en esquissant un lumineux sourire sur son visage.


*


C’est complètement fou! J’ai été obligé de crier dans mon oreiller tellement j’avais besoin d’expulser un peu de cet emportement qui me rend dingue. Elle est parfaite. Encore plus que tout ce que j’aurais pu imaginer. Plus douce qu’un visage de Modigliani. Plus émouvante que n’importe quelle photo en noir et blanc. Plus belle et exalté que Scarlett O’hara dans « Autant emporte le vent. » Mais surtout plus réelle que n'importe lequel de mes fantasmes les plus délurés. Si Dieu existe et comme on le dit si bien, qu’il est partout, c’est peut-être à cause de toutes ces personnes qui comme moi en ce moment, sont emportées par la plus insidieuse des drogues.

Mais qu’est-ce qui arrive à tous ses junkies du cœur quand cette sensation qu’on croyait inépuisable ne devient plus qu’une sorte de mirage dans le désert de notre existence?

J’ai peur en ce moment, mais je me sens galvanisé par cette jeune femme comme si un seul de ses regards pouvait donner toute la dimension au casse-tête de mes délires les plus fous.

Et pourtant…

J’ai déjà ressenti la démesure amoureuse et celle-ci m’avait même permis de donner une tout autre interprétation à la théorie de la relativité, mais là, je crois que cette fille vient d’éclipser tout ce que j’avais mis tant de temps à déconstruire.

Elle s’appelle Cédrika…


(À suivre)

Vous avez certainement des gens dans votre entourage qui savourent le silence d'une virgule ou le tumulte d'un point à la fin d'une phrase. Si les mots sont les mystérieux passants de l'âme, ils ont toutefois besoin d'un regard pour exister... Si vous aimez cette histoire, vous n'avez qu'à cliquer sur ( Email to a friend) situé tout juste en bas de ce texte pour le partager et n'ésitez pas à laisser un commentaire sur le blog. J'adore vous lire!

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