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— C’est fou comme il fait beau… Vous imaginez, nous sommes fin octobre…
Le vendeur surpris, rétorque en ronchonnant que la température chez lui, à Toulon, est encore mieux qu’ici. Monsieur Coton le salue et part lire tranquillement son journal au parc.
(suite)
À 11h00, n’en pouvant plus d’attendre, il se dirige sur le boulevard Voltaire et s’installe tout près du Gargantuesque. Monsieur Coton ne cesse de consulter sa montre tout en surveillant du coin de l’œil si un des employés de la banque ne viendrait pas marcher dans sa direction. Il a justement fait un grand détour pour ne pas passer devant les locaux de son ancien travail. Il s’est sans doute bâti un peu de confiance en improvisant devant Madame Bataclan, mais il se sent incapable de pousser encore plus loin son imagination et d’inventer une tout autre histoire pour ses collègues de travail, même si ceux-ci ne lui adressent pratiquement jamais la parole. Heureusement pour lui, personne de la banque n’a l’habitude de manger à ce restaurant.
Peut-être en est-il d’ailleurs indirectement la cause…
Cette réflexion change soudainement son humeur; son amertume et le poids de sa solitude reviennent en force à travers ses traits affaissés. On dirait que cette doulou-reuse constatation l’a fait vieillir d’un coup comme la glace qui se ride sous la force d’un impact avant de se briser.
Monsieur Coton cherche par tous les moyens à oublier cette cruelle constatation. Il se met alors à compter le nombre de voitures grises qui passent devant lui. Il restera ainsi plongé dans une sensation neutre et réconfortante pendant près de trente minutes jusqu’à ce qu’il la voie arriver…
Il est maintenant trop tard pour tenter de fuir! Eva marche lentement vers lui et le regarde avec étonnement. Elle parait toujours aussi désemparée.
— Bonjour Jean! dit-elle d’une voix légèrement triste qui trahissait ses états d’âme.
Monsieur Coton la regarda avec une réelle compassion. Il se sentit en état de pouvoir divin à ce moment-là, car c’est lui qui possédait une sorte de droit de veto sur les états d’âme de la jeune femme. Il aurait pu d’un seul coup lui redonner toute sa gaieté naturelle, mais devant son incapacité à faire ce geste de délivrance, il s’octroyait sa propre miséricorde.
Se pouvait-il que Dieu soit si lâche?
— Bonjour Mademoiselle Eva! Je vois que vous n’avez toujours pas retrouver votre pendentif? dit-il timidement.
— Malheureusement non!
— Je suis vraiment désolé pour vous… Avec cette belle température, on ne s’attend pas à se sentir si triste… Je suis un peu comme vous, mais pour des raisons différentes… Figurez-vous qu’on vient aujourd’hui de me remercier de mes services à la banque pour une période indéterminée… Les ordinateurs sont semble-t-il plus efficaces que les comptables de nos jours…
Monsieur Coton jouait merveilleusement son rôle tant il était touché par la fragilité d’Eva. L’effet miroir était total!
Complètement étonnée d’apprendre la nouvelle, elle le questionna sur les raisons évoquées par la direction pour avoir pris une telle décision. Monsieur Coton resta toutefois très vague dans ses explications, se contentant de lui dire qu’il devait maintenant se chercher un nouvel emploi et qu’il n’aurait probablement plus la chance de venir ici aussi souvent.
Eva-Nescencia le regarda tendrement.
— Oh!… Dites-moi que vous allez revenir me voir quelques fois? J’aime beaucoup jouer le rôle de votre conseillère culinaire…
— Ma dictatrice vous voulez dire!
Monsieur Coton s’esclaffa. Il fut lui-même surpris par sa soudaine vivacité d’esprit et heureux de voir naître un reflet ensoleillé sur le visage de la jeune femme.
Eva lui fit un clin d’œil et lui tendit le bras, l’invitant à l’accompagner au restaurant en lui promettant le plus fastueux des repas.
*
(À suivre)
Vous avez certainement des gens dans votre entourage qui savourent le silence d'une virgule ou le tumulte d'un point à la fin d'une phrase. Si les mots sont les mystérieux passants de l'âme, ils ont toutefois besoin d'un regard pour exister... Si vous aimez cette histoire, vous n'avez qu'à cliquer sur ( Email to a friend) situé tout juste en bas de ce texte pour le partager et n'ésitez pas à laisser un commentaire sur le blog. J'adore vous lire!
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