Pour recevoir la suite sur votre email

Enter your Email


Preview | Powered by FeedBlitz

dimanche 1 août 2010

La part des ombres (72 à 74)


Le vieil homme observait maintenant le monument de sa femme avec une attention toute particulière. Il laissa divaguer son esprit en regardant le jeu des ombres qui faisait momentanément disparaître la date qui y était inscrite. Il resta ainsi un long moment, sans bouger, sans que plus rien n’existe si ce n’est que cette alternance entre la lumière de ses souvenirs et la noirceur de son présent. Avant de quitter, il prit toutefois quelques clichés de la sépulture pour être bien certain que tout ça, ce n’était malheureusement pas un mauvais rêve...

*

(suite)


Cédrika fit son jogging ce matin-là sans écouter de musique. Elle avait encore une fois très peu dormi, mais elle se sentait curieusement bouillonnante d’énergie. Elle prit donc la direction du parc où elle avait rendez-vous un peu plus tard avec Gabriel, histoire de créer une sorte d’intimité avec cet environnement, mais c’était bien plus pour apprivoiser sa nervosité qu’elle avait choisi cet endroit pour courir.

Le ciel était d’un bleu magnifique et le soleil levant donnait à la cime des arbres des reflets magenta qu’une brise balayait. Elle n’aurait pu espérer meilleure journée pour un rendez-vous galant. Elle arpentait les allées au pas de course avec une légèreté qu’elle n’avait pas connue depuis très longtemps. On aurait dit une feuille d’automne se laissant porter par le vent telle une ballerine.

La jeune femme laissa de côté ses perpétuelles remises en question pour simplement savourer cet instant et contempler un peu la nature qui s’éveillait peu à peu. Elle prit alors place dans ce tableau au même titre que les libellules qui profitaient des premiers rayons de soleil pour pratiquer leur curieuse chorégraphie, ou ces oiseaux, qui du haut de leur arbre, peaufinaient leur chant de séduction, et que dire des pigeons qui d’un lent mouvement de tête, déplaçaient leur cortège sur son passage.

Cédrika aurait voulu crier tellement elle se sentait enivrée par cet instant, mais elle perdit plutôt le souffle lorsque sa course l’entraîna dans l’allée aux fleurs blanches.

*

Il régnait un silence particulier en plein cœur du centre-ville, comme si une immense bulle d’eau s’était formée au creux de l’oreille des passants qui marchaient au beau milieu de la rue. Des rues qui appartenaient généralement à la faune urbaine des automobiles, mais qui aujourd’hui, en cette journée sans voitures qui se déroulait simultanément dans plus de 1500 grandes villes à travers le monde, laissaient toute la place aux piétons et aux bicyclettes.

Le vieil homme qui aimait bien enguirlander les chauffards comme il les appelait fut surpris de devoir changer de cible en invectivant au passage des cyclistes qui profitaient de cette soudaine liberté pour rouler à grande vitesse. Il fut tout de même agréablement surpris par cette initiative politique qui allait lui permettre de prendre des photos inusitées de la ville comme jamais sa femme ne l’avait vu.

La lumière avait souvent peine à trouver son chemin dans cette pénombre artificielle que créaient sans cesse les immenses gratte-ciel, mais parfois, comme ici, en plein milieu d’une rue tout près du square où il se dirigeait, quelques rayons du soleil réussissaient à se faufiler pour donner une perspective totalement différente aux objets et aux gens qui n’existait plus que dans le chatoiement irréel de cet éclat qui les frappait de plein fouet. Il eut alors la chance de photographier l’ombre d’une volée d’oiseaux qui passait au dessus de sa tête et avant même que le vol synchronisé de ces pigeons se soit totalement dissipé de la route pour grimper le long des parois d’un édifice, le vieil homme eut le temps de leur murmurer un message qu’il espérait voir s’envoler vers elle.

Il continua sa marche jusqu’au parc et y trouva encore une fois l’homme aux fleurs.


(À suivre) * Vous avez certainement des gens dans votre entourage qui savourent le silence d'une virgule ou le tumulte d'un point à la fin d'une phrase. Si les mots sont les mystérieux passants de l'âme, ils ont toutefois besoin d'un regard pour exister... Si vous aimez cette histoire, vous n'avez qu'à cliquer sur *( Email to a friend) situé tout juste en bas de ce texte pour le partager et n'ésitez pas à laisser un commentaire sur le blog. J'adore vous lire!

Aucun commentaire:

Publier un commentaire