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Sans réponse à ses multiples questions, Eva déposa précieusement la lettre et la photo sur une pile de livre qui lui servait de table de chevet, et s’endormit en s’envolant tout près de celui qui comme une plume dans son oreiller, serait un témoin privilégié de ses rêves.
(suite)
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Monsieur Coton respire un peu mieux maintenant alors que l’avion semble s’être stabilisé après de violentes turbulences. Il est à des centaines de mètres au-dessus de l’océan entre Montréal et Paris et malgré toutes ses peurs, il continu de sourire nerveusement à tous les passagers qui lui accrochent le bras au passage de cette allée trop étroite.
Monsieur Coton n’a jamais appris à sourire et encore moins à rire. Son manque de naturel est flagrant. Il ne semble toujours pas en mesure d’établir la juste mesure entre ses émotions et les réactions qu’elles provoquent, comme un gâteau auquel on aurait oublié d’ajouter de la poudre à pâte. Il est donc encore mal à l’aise de ses propres réactions, mais depuis quelques semaines, et surtout depuis qu’il a trouvé le courage de raser complètement sa moustache, le tout semble lentement changer. Monsieur Coton analyse beaucoup moins rationnellement ses émotions, ce qui diminue d’autant plus le nombre de ses barrières et provoque une réaction de plus en plus spontanée face aux événements.
Rendu à Montréal, il a d’ailleurs été ému aux larmes lorsqu’il a tenté pour la première fois de faire du patin à glace sur le bassin du Mont-Royal et qu’un enfant s’est approché de lui sans aucune crainte pour simplement l’aider à avancer. Monsieur Coton n’a pu saisir cette main qui lui était tendu et s’est retrouvé étendu de tout son long sur la glace, chaviré par une émotion qu’il n’avait encore jamais ressentit.
― Vous vous êtes fait mal Monsieur? Lui a demandé la jeune fille qui ne devait pas avoir plus de 10 ans.
― Non… J’ai simplement glissé…
― Alors pourquoi vous pleurez?
― Pour si peu… mais pour tellement…
La jeune fille retrouva cette gaieté et cette nonchalance naturelle à l’enfance, comme si elle avait soudainement compris la portée de son geste envers cet homme qui riait maintenant, les yeux figés dans la glace de ses larmes.
Monsieur Coton fut particulièrement charmé par le Québec en raison de la barrière linguistique qui n’existait pas. Il lui fut donc beaucoup plus facile pour lui de se laisser imprégner par l’atmosphère de la ville où il passa quelques jours.
Montréal, malgré son aspect cosmopolite, ne regorgeait pas de touristes à cette période de l’année comme Paris le vivait en tout temps. Il visita donc les incontournables musées de la ville, le vieux Montréal qui lui fit penser à certaines rue de Saint Germain des prés, le centre-ville et ses tours de verres qui étaient tous relié les unes aux autres par un curieux réseau de tunnels souterrains comme une immense fourmilière où s’entassait des milliers de travailleurs. Mais ce qu’il préféra le plus fut le plateau Mont-Royal. Un quartier artistique où on trouvait une multitude de restaurants, de parc, de galeries d’art, de bouquinistes et dont l’architecture colorée répondait admirablement au décor de neige qui englobait la ville.
Monsieur Coton n’aime pas fréquenter les cafés parisiens et pourtant, il a passé de longues heures assis à une table d’un café de la rue Saint-Denis tout en se délectant d’un bouquin de Stéphane Bourguignon, un auteur québécois qu’il ne connaissait pas que lui avait recommandé un sympathique bouquiniste avec qui il avait échangé un long moment.
Il aimait beaucoup l’atmosphère feutrée de ce café d’où il pouvait simplement contempler le spectacle de la neige tombant sur la ville, et c’est à cet endroit qu’il immortalisa ces souvenirs dans une lettre qu’Eva-Nescencia allait bientôt recevoir.
C’est avec une certaine nostalgie qu’il dût toutefois quitter cette ville. Chopin l’attendait bien loin d’ici et il ne devait jamais prolonger trop longtemps ses séjours à l’extérieur afin qu’Eva ne puisse se mettre à le soupçonner…
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(À suivre)
Vous avez certainement des gens dans votre entourage qui savourent le silence d'une virgule ou le tumulte d'un point à la fin d'une phrase. Si les mots sont les mystérieux passants de l'âme, ils ont toutefois besoin d'un regard pour exister... Si vous aimez cette histoire, vous n'avez qu'à cliquer sur ( Email to a friend) situé tout juste en bas de ce texte pour le partager et n'ésitez pas à laisser un commentaire sur le blog. J'adore vous lire!
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