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dimanche 5 septembre 2010

Evanescence (page 110 à 112)


Il y a des gens qui prennent une grande partie de leur vie avant de naître et c’est à un de ces élans tardifs qu’elle avait l’impression d’avoir assisté.


(suite)


*


Eva ferma tristement les yeux pendant quelques secondes alors que la Citroën de ses parents venait de s’engager sur la rue où elle avait vécu une grande partie de son enfance. Ils venaient tout juste de passer devant une maison qu’elle ne voulait surtout pas voir…

Elle sourit pourtant en arrivant chez elle en voyant que le macadam gardait toujours les vestiges de l’immense soleil qu’elle avait peint à l’âge de six ans. À cette époque, Eva ne pouvait concevoir que les habitants de la lune n’aient pas droit eux aussi à un soleil. Elle avait donc décidé de leur en fabriquer un à sa manière. C’est son père qui lui avait involontairement donné l’idée en peignant les murs du salon d’un jaune vif et en lui donnant ce jour-là, les premiers rudiments sur l’art de manier le pinceau. La petite Eva s’était chargée du reste en pleine nuit.

Un peu plus tard, c’est avec une sorte de recueillement qu’elle entra dans la chambre qui l’avait vue grandir et qu’elle avait quittée pour la première fois il y avait plus de cinq mois maintenant. Eva sentit pourtant qu’une éternité la séparait de cette pièce qui gardait toujours les souvenirs de son adolescence et de son entrée fracas-sante dans le monde des adultes. Rien n’avait changé… Il y avait toujours les mêmes affiches sur les murs, son vieux bureau de bois où elle avait tant écrit, les multiples chandeliers aux stalactites de cire qui n’avaient pas bougé. La seule chose différente était son immense bibliothèque qui était maintenant vide. Eva était partie sur un coup de tête avec une simple valise en main, mais elle avait demandé à ses parents par la suite de lui envoyer tous ses livres alors qu’elle venait de trouver son appartement à Paris. C’était un passé encore frais, une couche de peinture sur son âme qui n’avait pas encore eu le temps de sécher…

Après le souper durant lequel sa mère l’avait criblée de questions et où l’atmosphère familiale était tout aussi propice aux fous rires qu’aux larmes, Eva s’enferma dans sa chambre et sortit de son placard la grande boîte qu’elle avait été incapable de détruire ni d’amener avec elle. Cette boîte contenait tous les souvenirs qui l’unissaient à Olivier depuis leur première rencontre dix-sept ans plus tôt. Elle y trouva des centaines de photos d’elle et de lui, les cartes de souhaits qu’il lui avait offerts pour chacun de ses anniversaires, le chandail favori du jeune garçon qui s’était retrouvé dans les ordures, mais qu’elle avait heureusement récupéré, son premier cahier d’écriture où Olivier, à l’âge de 6 ans, avait collé un signe de cœur sur la couverture, les dizaines de brouillons de lettres qu’elle lui avait écrites même s’ils n’étaient séparés que par quelques maisons, un bâton de popsicle qu’elle avait conservé et qui gardait l’emprunte de ses lèvres qu’elle avait tant voulu embrasser, le bouquet de roses, qu’il lui avait offert pour leur bal de graduation du lycée et surtout, une série de lettres très touchantes qu’elle avait récupérées dans les ordures de la famille d’Olivier et qu’elle avait placées dans un coffret de bois. Ces lettres contenaient autant de mots qu’il avait cherché à lui dire au moment où leur relation était symbiotique que tous ceux qu’il avait été incapable de lui envoyer lorsqu’il s’était mis à douter. Toutes ces lettres étaient incomplètes, mais elles avaient pris une valeur inestimable aux yeux d’Eva.

Elle percevait en celles-ci l’âme même de l’amour de sa vie.

Au cours de la soirée, la jeune femme s’était informée auprès de ses parents sur ce que devenait Olivier, tout en essayant de contenir ses émotions.

Avaient-ils eu des nouvelles de lui ?

N’était-il pas parti en voyage dernièrement ?

Leur réponse vint couper définitivement les ailes de ses désirs inconscients…

C’est à ce moment qu’elle décida de plaquer l’accord final sur cette mélodie d’espérance et d’en finir une fois pour toutes avec sa boîte de souvenirs.

Eva conserva uniquement le coffret de lettres et la dernière photo d’Olivier, puis c’est avec courage qu’elle marcha jusqu’à chez lui et déposa la boîte dans les ordures avec tout ce qui aurait toujours dû y rester.

*


(À suivre)

Vous avez certainement des gens dans votre entourage qui savourent le silence d'une virgule ou le tumulte d'un point à la fin d'une phrase. Si les mots sont les mystérieux passants de l'âme, ils ont toutefois besoin d'un regard pour exister... Si vous aimez cette histoire, vous n'avez qu'à cliquer sur ( Email to a friend) situé tout juste en bas de ce texte pour le partager et n'ésitez pas à laisser un commentaire sur le blog. J'adore vous lire!

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