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jeudi 9 septembre 2010

Evanescence (page 119 à 122)


C’est avec une certaine nostalgie qu’il dût toutefois quitter cette ville. Chopin l’attendait bien loin d’ici et il ne devait jamais prolonger trop longtemps ses séjours à l’extérieur afin qu’Eva ne puisse se mettre à le soupçonner…

(suite)

*


Lundi…

― Mon petit Jean est de retour… Vous avez passé une belle période des fêtes?

Eva arborait toute la grâce de sa beauté comme un sapin de Noël le fait avec ses décorations.

Vous semblez en pleine forme et c’est fou comme votre moustache vous vieillissait… Je ne vous recon-nais plus, dit-elle en riant.

Monsieur Coton était toujours vêtu du même complet gris; son chapeau melon enlevé n’altérait pas ses cheveux bien gommés et son sourire ne pouvait cacher tout le bonheur qu’il éprouvait d’avoir retrouvé Eva-Nescencia, mais il n’avait effectivement plus de moustache.

Je reviens de petites vacances en Bretagne où je suis allé visiter ma vieille tante…

― Vous avez beaucoup de famille là-bas?

― Ma famille, je la porte sur moi, dit-il avec circonspection.

Eva le regarda, surprise. Il fouilla alors dans son portefeuille et sortit deux bouts de papier froissés par le temps…

Il me reste une photo de mon père qui est décédé depuis longtemps et une de ma tante qui m’a toujours traité comme l’incarnation de son frère ainé… Ils n’étaient que deux enfants dans la famille…

― J’imagine que ce n’est pas facile de perdre son seul frère… Elle doit beaucoup vous aimer…

Monsieur Coton lui répondit par un sourire poli.

Probablement trop pour qu’elle s’en aperçoiveEt vous Eva, vous avez le teint d’une jeune femme qui revient du sud… Vous avez visité vos parents?

― Eh oui! Disons que j’en ai profité pour clarifier une partie de mon passé et ça m’a fait beaucoup de bien de les revoir… Ils ont toujours été un modèle d’inspiration pour moi tant dans leur façon d’apprécier ce qu’ils provoquent autour d’eux, que dans le sentiment amoureux qui les unit d’une façon remarquable… Quand je les regarde ensemble, je comprends un peu mieux pourquoi je continue de croire au Prince charmant… dit-elle en riant d’elle-même. Malheureu-sement, mon père est déjà pris…

Eva possédait la juste confiance en ses émotions qui lui permettait de rire un peu de sa tendance allégorique sans toutefois altérer ses plus grands rêves. Un sixième sens inné lui permettait de diriger sa vie en écoutant son cœur même si elle avait déjà beaucoup souffert de ses choix. « Il vaut toujours mieux être déçu d’avoir osé, que de vivre dans le regret de ce qui aurait pu exister. » disait-elle.

Alors qu’Eva déposait une assiette de couscous aux merguez devant Monsieur Coton, celui-ci continua la conversation et la jeune femme prit même un instant pour s’asseoir devant lui. Le restaurant roulait plutôt au ralenti alors que les vacances des fêtes n’étaient toujours pas terminées.

― Je vous trouve tellement chanceuse d’avoir encore vos parents et surtout de voir cette lueur particulière dans vos yeux quand vous me parlez d’eux… Moi, je n’ai jamais eu de mère, ni personne pour la remplacer et mon père n’était amoureux de rien, ni de personne… Je dirais même qu’en bon catholique de l’époque, il éloignait toute source de bonheur en se créant une prison de travail où rien ne pouvait l’atteindre…

Je crois qu’il a idolâtré ma mère au point de rendre ce sujet tabou entre nous deux… Je n’ai donc pratiquement jamais rien su d’elle et j’ai arrêté bien vite de chercher à comprendre devant le mutisme de mon père qui restait intraitable sur le sujet… Quelques fois, je me dis qu’il n’est peut-être pas trop tard pour apprendre certaines choses de mon passé…

Eva, les deux coudes sur la table et le menton appuyé entre ses mains, était totalement absorbée par l’histoire de Monsieur Coton. Il fut même intimidé par l’attention que lui offrait la jeune femme.

N’ayez jamais honte de laisser parler vos yeux, lui dit-elle. C’est ce qui donne de l’élan à la parole… En vous écoutant, je sens que vous avez beaucoup souffert dans votre jeunesse, mais il n’est jamais trop tard pour vivre une nouvelle partie de son enfance… Je crois qu’il faut simplement rêver très fort et être toujours à l’écoute de ce qui bouille en nous…

Eva fit une pause comme on laisse glisser un soupir au travers une conversation intime.

― Vous savez, il se passe des choses très bizarres dans ma vie depuis quelque temps et sur lesquelles je n’ai aucun contrôle… J’ai cependant réalisé pendant mes vacances qu’il ne sert à rien de toujours chercher à comprendre tout ce qui nous arrive… Nous passons alors beaucoup trop de temps à analyser plutôt que de simplement profiter de cette occasion qui nous est offerte… Vous avez l’air moins triste depuis quelques temps et ça, vos yeux ne peuvent le cacher… Mais si j’étais vous, je crois que je prendrais le risque d’en connaître d’avantage sur ma mère… On peut finir par oublier un premier amour, mais on ne peut jamais faire abstraction du plus grand de tous entre une mère et son enfant…

Eva se leva doucement pour aller servir un client qui lui faisait signe. Monsieur Coton resta là, sans bouger, figé par le souffle glacial de l’ombre d’une mère qu’il n’avait encore jamais connu…

*


(À suivre)

Vous avez certainement des gens dans votre entourage qui savourent le silence d'une virgule ou le tumulte d'un point à la fin d'une phrase. Si les mots sont les mystérieux passants de l'âme, ils ont toutefois besoin d'un regard pour exister... Si vous aimez cette histoire, vous n'avez qu'à cliquer sur ( Email to a friend) situé tout juste en bas de ce texte pour le partager et n'ésitez pas à laisser un commentaire sur le blog. J'adore vous lire!

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