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mercredi 11 août 2010

La part des ombres (99 à 102)


Octavio ne put s’empêcher de penser à Gaïa qui sur son lit d’hôpital, lui avait murmuré, « Je te pardonne » quelques secondes avant de fermer les yeux pour la dernière fois afin de tutoyer l’éternité…

Lui, il ne s’était jamais pardonné sa lâcheté.


*

(suite)


J’ai résisté ce midi à l’envie de lui téléphoner. Cédrika m’a dit hier qu’elle allait visiter ses parents après son travail alors j’ai préféré la laisser tranquille et aller divaguer un peu avec mes écureuils qui sont en train de bousiller complètement mon système de classifi-cation. On dirait une immigration de masse alors que des centaines de nouveaux semblent avoir élu domicile dans le parc depuis hier. J’ai donc serré mon appareil photo en guise de protestation et je me suis étendu en plein milieu du terrain de soccer pour essayer de faire le vide. J’avais un urgent besoin de calibrer mes émotions. Je me suis alors mis à chanter à tue-tête et ça m’a fait un bien immense.

C’est fou de réaliser à quel point Cédrika me terrifie tout en m’attirant comme une molécule de métal se laisse aspirer dans le giron d’un aimant. On dirait même que ce paradoxe m’empêche d’être moi-même. Hier après-midi, j’ai parlé longtemps avec elle pendant qu’elle s’occupait de ses fleurs et j’ai espionné ses moindres gestes lorsqu’elle répondait à ses clients. Toutes ces constatations sont venues illustrer encore plus cette sensation de vulnérabilité que j’éprouve depuis sa rencontre, comme si je savais déjà qu’elle était en mesure de pulvériser tout ce que j’ai pu inventer comme chimères pour me protéger de l’intimité d’une femme. Je n’ai pourtant pas besoin de me sentir amoureux pour être qui je suis, mais devant elle, je n’y peux rien. Je suis victime de mes propres ressacs existentiels.

Je la connais pourtant si peu, mais du même coup, je suis certain de ne pas me tromper à son sujet.

Je viens de relire un passage de Vincourt qui m’a particulièrement touché cette nuit et je trouve qu’il représente très bien ce que je ressens.


« Il y a probablement des gens ainsi qui ont cette capacité silencieuse de se révéler à nous comme si des milliards de neurones, jusque-là inactifs, se synchronisaient un instant pour faire passer un message codé qui fait vibrer une âme qu’on avait toujours pressenti, sans jamais avoir la preuve qu’elle puisse exister.

Mais dans mon cas, d’autres milliards de neurones, plus cérébraux, ont tout de suite voulu revendi-quer leur ancienneté et ils ont fait en sorte que je me suis mis à douter qu’une telle sensation d’immortalité puisse perdurer. »


Ce paragraphe m’a foutu en l’air. Je crois qu’il serait peut-être préférable pour moi de continuer à lire plutôt que de vouloir tout expliquer.


« Cette femme a curieusement toujours réussi à illustrer des chemins que j’avais l’impression d’avoir parcourus auparavant. Je me suis alors mis à douter…

Était-ce possible que cette âme sœur que l’on cherche si avidement ne soit en fait qu’une quête d’un miroir pour justifier en partie nos peurs?

Que celle-ci ne fassent que sécuriser un peu plus le carcan de notre existence dans lequel nous avons l’impression de nous épanouir sans jamais oser changer?

Des questions bien insidieuses qui ont probable-ment influencé la suite de notre histoire, mais j’ai toutefois fini par comprendre que sa présence à mes côtés était surtout une manière de prendre la route et d’avancer avec elle au lieu de constam-ment regarder vers l’arrière.

J’ai maintenant la certitude que nous étions l’un pour l’autre des mathématiciens du temps qui savait user de leur science pour diviser et surtout rapprocher l’espace séparant l’avenir, du présent de nos souvenirs.»


*

(À suivre)

Vous avez certainement des gens dans votre entourage qui savourent le silence d'une virgule ou le tumulte d'un point à la fin d'une phrase. Si les mots sont les mystérieux passants de l'âme, ils ont toutefois besoin d'un regard pour exister... Si vous aimez cette histoire, vous n'avez qu'à cliquer sur ( Email to a friend) situé tout juste en bas de ce texte pour le partager et n'ésitez pas à laisser un commentaire sur le blog. J'adore vous lire!

1 commentaire:

  1. "....." parce que parfois il faut un silence pour prendre toute la mesure des mots qui défilent...
    mots toujours parfaitement mis en valeur dans leur écrin de douce poésie.
    Nathalie

    RépondreEffacer