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« Eva-Nescencia Dryade, 135 rue Delescule. »
Cette lettre lui était bel et bien adressée et cette personne avait écrit son prénom complet plutôt que celui d’Eva que tous utilisaient.
(suite)
Elle était maintenant assise en position indienne sur le plancher de sa chambre et même si Pollux tentait par tous les moyens de lui soutirer un peu d’attention, Eva lut et relut la lettre à plusieurs reprises.
Mais qui pouvait bien lui avoir écrit de Moscou?
Le mystère restait total.
Elle se sentait toutefois transportée par la douceur des mots de ce mystérieux admirateur qui semblait épris d’elle. Sa tête travailla très fort pour essayer de mettre un nom sur ce Papillon. Elle chercha premièrement parmi ses connaissances afin de trouver quelqu’un qui aurait eu l’éloquence nécessaire pour écrire une si belle lettre et l’envoyer de si loin, mais aucun nom ne lui vint à l’esprit.
Surtout pas lui, pensa-t-elle… le seul nom surgit de son passé qu’elle cherchait tant bien que mal à oublier et qui ne cessait de meurtrir son coeur ...
Eva tenait maintenant la photo dans sa main et cherchait à élucider le mystère de cette photographie qui, selon l’écrivain anonyme, portait des signes qui l’unissaient à cette femme. Elles avaient la même couleur de yeux certes, mais rien d’autre de vraiment semblable pensa-t-elle. Il y avait tout de même quelque chose d’attirant et de bouleversant dans le visage de cette jeune femme russe. Eva remarqua tout d’abord l’éclat particulier de son sourire qui donnait l’impression qu’elle était très heureuse d’être prise en photo, tout le contraire d’elle alors qu’elle détestait se voir figé sur un papier glacé, mais le regard de la femme semblait aussi teinté de cette lourdeur d’existence que son propre père avait fuit très jeune pour venir immigrer en France. Eva se souvenait très bien des nombreuses photos qu’il avait conservé de sa vieille Russie et surtout toutes celles de sa mère à lui, sa grand-mère russe qu’elle n’avait jamais connue et dont quelque chose de similaire se trouvait dans le regard de cette femme. Elle ne trouvait toutefois rien de comparable dans son propre visage alors qu’elle s’observait en même temps dans un miroir afin d’analyser ses traits.
Elle déposa la photo par terre et relut encore une fois la lettre pour essayer d’y trouver un indice. C’est à ce moment qu’elle fut soudainement frappée par un détail auquel on l’avait sensibilisée lors d’un cours de dessin sur la morphologie du visage. Selon son professeur de l’époque, il était très difficile de bien dessiner le visage d’une personne, car on ne regardait jamais vraiment ce que l’on voyait; on se laissait plutôt influencer par notre propre connaissance et notre propre perception mentale d’un visage. Les élèves disait-il, avaient souvent la mauvaise habitude de se fier à leur inconscient qui leur dictait des lignes totalement différentes du modèle qu’ils avaient sous les yeux. Il leur avait donc conseillé de s’exercer à dessiner à partir d’une photographie placée à l’envers pour ainsi déjouer cet inconscient. L’idée avait alors paru très étrange à Eva, mais les résultats furent étonnants.
Cette pensée venait de lui traverser l’esprit au moment où elle regardait la photo à l’envers qui gisait sur le sol. Elle prit alors une de ses propres photographies qu’elle mit dans le même sens et fut totalement stupéfaite de découvrir à quel point la ressemblance de leurs yeux était maintenant évidente. La morphologie différente du visage de cette femme avait faussé sa première perception! Mais comment cet admirateur anonyme avait-il pu percevoir ce lien invisible qui les reliait maintenant si intensément ?
Eva resta estomaquée.
C’est sur ce doux vertige mystérieux qu’elle dut finalement partir travailler.
*
(À suivre)
Vous avez certainement des gens dans votre entourage qui savourent le silence d'une virgule ou le tumulte d'un point à la fin d'une phrase. Si les mots sont les mystérieux passants de l'âme, ils ont toutefois besoin d'un regard pour exister... Si vous aimez cette histoire, vous n'avez qu'à cliquer sur ( Email to a friend) situé tout juste en bas de ce texte pour le partager et n'ésitez pas à laisser un commentaire sur le blog. J'adore vous lire!
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