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samedi 16 octobre 2010

Evanescence (page 141 à 144)


Monsieur Coton prend alors une feuille de papier et laisse s’écouler son profond besoin d’écrire… écrire pour se libérer un peu du poids de l’incontournable présence de cette femme dans son esprit…

(suite)


*


« Si vous saviez à quel point j’imagine votre magnifique sourire à mes côtés simplement en sentant votre présence contre ma poitrine… Vous êtes le lien chère Eva entre mon souffle et mes gestes… Un lien qui a dicté jusqu’ici un conte imaginaire dont vous êtes sans l’ombre d’un doute l’héroïne. L’aspect dépendant de cette envoûtante drogue érige en moi des fondations qui se laissent bercer par la douceur du climat espagnole en ce moment et par la chaleur dont témoignent ses habitants… »


Eva relisait la dernière lettre qu’elle venait de recevoir de Barcelone. La déchirure qu’elle ressentait depuis qu’elle avait vu la photo de cette femme tunisienne portant son pendentif s’était lentement cicatrisée. Elle se sentait toujours dépassée par toute cette saga, mais c’était plutôt le manque de contrôle sur la situation qui l’avait fait réagir avec autant de virulence. Elle s’était sentie tellement vulnérable à ce moment, mais comment aurait-elle pu rester insensible à l’ultime éloge de sa personne qu’elle pouvait lire dans chaque mot du mystérieux Papillon?

Il était évident, en constatant la démesure de sa démarche, que celui-ci ne pouvait qu’être profondément amoureux d’elle.

La piste de Casanova sur laquelle elle s’était accrochée n’avait pas beaucoup avancé depuis trois semaines. Eva avait pourtant interrogé madame Craquelin qui aimait bien fouiner en observant le va et vient des locataires à travers la fenêtre de sa cuisine, mais à son grand dam, celle-ci l’avait informée que son fameux voisin qui s’appelait en fait Thomas, était déménagé depuis près de deux mois sans laisser d’adresse.

Comment Eva avait-elle pu ne pas remarquer le silence inhabituel de l’endroit?

S’était-elle détachée de la réalité au point d’oublier toutes ces petits détails qui donnaient pourtant de l’élan à son monde imaginaire?

Dans les jours qui suivirent, Eva fit d’autres recherches pour retrouver le mystérieux Casanova. Le bottin parisien contenait plus de cinq pages complètes de Leconte et plus d’une soixantaine d’inscriptions dont le prénom commençait par la lettre « T. »

Elle prit tout de même la chance de téléphoner à plusieurs d’entre eux, mais elle mit rapidement fin à son entreprise en réalisant qu’elle ne saurait même pas comment réagir si un de ces hommes lui avait répondu au téléphone qu’il était effectivement le Thomas qui demeurait au 135, rue Delescule.

Qu’aurait-elle pu dire à ce jeune homme qui semblait ne l’avoir jamais remarquée?

Il était plutôt grand, assez mince, joli garçon, un peu réservé, mais la relecture de toutes ses lettres qu’il n’avait jamais terminées donna encore plus d’élan à la curiosité de la jeune femme.

Elle sentait de plus en plus qu’une certaine forme de style reliait la prose de son voisin à celle du fameux Papillon en question.

Ça ne pouvait qu’être lui…

Mais à défaut de chercher à le surprendre et ainsi, minimaliser l’ampleur de sa démarche amoureuse, Eva décida d’attendre de nouvelles lettres en espérant que tôt ou tard, ce Monarque allait faire une migration pour rentrer au bercail et avouer son crime.

Trois lettres lui furent envoyées après celle de la Tunisie… Une de Stockholm, une de São Paulo au Brésil et cette dernière, reçue d’Espagne la veille.

Encore une fois, dans toutes ces lettres, les femmes photographiées portaient son pendentif, mais cette fois-ci, Eva avait décidé d’oublier la photo pour se laisser interpeller seulement par les mots.

Pour elle, ce jeu venait de transgresser la frontière envoûtante du rêve pour prendre maintenant une part de réalité. Un homme semblait l’aimer au point de lui faire vivre une incroyable aventure amoureuse à travers son précieux bijou. Elle allait donc savourer chaque instant qui la rapprochait de ce mystérieux Papillon…


*


Monsieur Coton vient tout juste de ranger sa valise dans un placard avec les deux autres qu’il n’a jamais utilisés. Il regarde cet étrange amoncellement de couleur et ce sens nostalgique. Peut-être qu’un jour se dit-il…

Il possède maintenant des images emmagasinées pour toujours et sait très bien qu’Eva-Nescencia sera une source de voyagement à elle seule, une source qui ne va probablement jamais se tarir. De plus, il doit maintenant écrire à sa mère en plus de s’occuper des deux Chopin.

Ses journées ont toutefois rapidement repris le rythme de ses anciennes habitudes sauf celle d’aller dîner au « Gargantuesque. » Il n’a toujours pas eu le courage de retourner voir la belle Eva depuis qu’il a recommencé à travailler. Il passe donc ses heures de lunch à écrire et à attendre avec impatience la journée du dimanche pour aller retrouver toute sa famille au père Lachaise.


*


(à suivre)

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