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Il sort alors une autre lettre de sa poche et l’a regarde avec consternation. Comment trouvera-t-il le courage d’expédier celle qu’il tient maintenant dans sa main…
La dernière…
(suite)
Il sait maintenant que le grand voyage qu’il a décidé de faire vivre à Eva-Nescencia était sans doute une manière aussi de se prouver bien des choses à lui-même. Il est cependant certain que tous les mots et toutes les images qu’il a partagés avec elle ne vont plus jamais le quitter. Il ressent toutefois une grande fatigue et bien qu’il soit toujours aussi amoureux de la belle Eva, Monsieur Coton sait qu’il doit commencer à penser à lui. C’est précisément pour cette raison et aussi à cause des réactions de la jeune femme qui a changé dernièrement, qu’il croit devoir mettre un point final sur cette belle aventure.
Eva-Nescencia semble être devenue trop anxieuse pour continuer à apprécier ses voyages et Monsieur Coton ne peut se permettre de semer le doute en elle. Il a vu cette si belle étincelle dans les yeux de la jeune femme se transformer lentement en une sorte de regard suspicieux envers tout le monde, même envers lui et il ne peut plus supporter cette tristesse dont il est en parti responsable.
Eva est la femme qui a donné à Monsieur Coton l’envie d’exister. Il doit maintenant se retirer et lui redonner cette liberté qui l’a tant inspiré.
Pour sa part, il n’aspire plus qu’à laisser germer la fève de son existence qu’il arrose depuis plusieurs mois et ainsi, accepter tout ce nouveau registre d’émotions comme le lui a si bien enseigné le roi Salomon.
« Il y a de la flamme dans l’œil des jeunes gens, mais dans celui du vieillard, il y a de la lumière. »
L’amour est souvent un miroir que l’on doit briser pour enfin voir l’autre tel qu’il est. Monsieur Coton s’est vu offert le plus révélateur des miroirs, mais le lac où il baigne est encore trop mouvementé pour qu’il puisse vraiment y déceler le reflet de sa propre vie…
*
C’est dans la lettre provenant de Tunisie qu’Eva fut foudroyée par un détail de la photo que le mystérieux Papillon avait choisi de lui envoyer.
Ce jour-là, Eva s’était tout d’abord installée au soleil près de sa fenêtre avant d’ouvrir le petit sachet de sable du désert qu’il avait joint dans l’enveloppe pour la mettre dans l’ambiance de ce périple. Puis, elle avait lu avec appréhension les mots envoûtants de son correspondant.
Eva se laissa porter au rythme des images qu’il décrivait avec une grande sensualité. Elle put ainsi savourer la richesse de tous les tons de bleu et de blanc qu’on retrouvait partout dans la ville de Sidibousaïd, comme si les mots de son admirateur avaient la subtilité requise pour s’exprimer en couleur. Elle fut aussi émue par la description de cette longue promenade en chameau dans un désert frissonnant de nudité, comme si son propre corps se laissait caresser par un vent imaginaire qui très loin de là, épousait ses formes les plus intimes.
Pour terminer la lettre, Eva se retrouva plongée au sein même de son enfance… Ce papillon semblait avoir été impressionné par la Méditerranée qui s’étendait à perte de vue jusqu’à l’horizon et par ces longue étendues de sable qui rappelait à la jeune femme les plages de Perpignan où elle avait envoyé tant de bouteilles à la mer. Qui sait, pensa-t-elle, si l’une de celle-ci n’avait pas traversé l’océan dans le simple but de s’échouer aux pieds de son correspondant.
Son voyage imaginaire fut parfait jusqu’à ce qu’elle porte attention à un détail de la photo qu’il avait joint à sa lettre. Cette femme au visage voilé portait une robe dont la blancheur faisait ressortir très clairement le bijou en or qu’elle portait à son cou.
Eva resta bouche bée…
Ça ne pouvait pas être un hasard…
Cette femme portait bel et bien son pendentif!
Elle porta instinctivement la main à son cou et se mit à trembler. Ses lèvres se crispèrent pour l’empêcher de crier.
La coïncidence était impossible…
En un instant, Eva passa de l’état d’enivrement à celui de victime. Elle se précipita aussitôt avec rage vers le tiroir où elle avait rangé toutes les autres lettres qu’elle avait reçues et sortit chacune des photos pour les observer l’une après l’autre.
C’est à ce moment que tout s’effondra et qu’elle prit conscience que toutes les femmes photographiées depuis la toute première photo prise à Moscou portaient son précieux bijou…
La jeune femme se mit alors à pleurer silencieusement en proie au déchirement que ressentent parfois ceux qui savent que leur confiance en la vie vient d’être trahie…
*
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